L’armée française à la bataille d’Avins (mai 1635)
Infanterie française (Aquarelle de K.A. Wilke)
L’infanterie française en 1635
L’infanterie française était composée de régiments dit entretenus et de régiments temporaires, plus nombreux et levés pour
le temps d’une campagne. Les régiments d’infanterie permanents sont à 20 compagnies de 100 à 120 hommes alors que les régiments temporaires sont à 10 ou 12 compagnies de 100 à 120 hommes. Certains régiments étrangers sont plutôt à 10-12 enseignes de 200 hommes. Richelieu écrit ainsi à Servien, le 21 avril 1635 que le régiment liégeois de La Bloquerie, qui devait avoir 2 400 hommes, n’en ayant que 700, il ne faut plus faire état, à mon avis, de compter les compagnies qu’à 100 hommes chacune, tant parce que nous ne le donnons que pour cela, que par ce aussi je ne crois pas qu’il en puisse avoir davantage.
Au sein des régiments entretenus, les six vieux corps étaient les plus prestigieux : Gardes-Françaises, Picardie, Champagne, Navarre, Normandie puis, à partir de 1636, La Marine. Ces régiments furent créés, en dehors du dernier, durant les Guerres de Religion de la seconde moitié du XVIe siècle. Ils bénéficiaient du meilleur encadrement possible et chaque maréchal essayait d’en obtenir au moins un pour son armée. Certains vieux corps sont à 30 compagnies de, théoriquement, 100 hommes et même 200 hommes pour les Gardes-Françaises.
L’effectif théorique d’un régiment pouvait être atteint lors de sa levée, avant de fondre rapidement une fois la campagne commencée. Le 30 juin 1635, Richelieu écrit à Bouthillier que les six régiments que Bellefonds amenés à Mr de La Force, qui faisaient plus de 6 000 hommes avant de partir, maintenant n’en font que 3 000. Il plaira au Roy écrire une lettre qui porte : Mon cousin, voyant que les troupes diminuent, et que les régiments qui partent du rendez-vous avec 1 000 hommes n’en ont plus 6 ou 700 huit jours après, ce qui est arrivé à ceux de Bellefonds, je vous fais ce mot pour vous dire qu’il faut faire des levées pour nous rafraîchir à la fin d’août. Régulièrement, Louis XIII témoigne de sa mauvaise satisfaction sur ce sujet : il en avait déjà fait part au maréchal de Châtillon le 9 avril
1635. Celui-ci lui annonçait qu’il croyait pouvoir faire état qu’il se trouvera dans les treize régiments que j’ai ici 10 000 hommes
de pied effectifs, sans comprendre les officiers. Servien estimait donc, le 20 avril, qu’il fallait pour l’infanterie, que les 13 régiments qui ont été jusqu’ici près de vous, fassent pour le moins 12 000 hommes effectifs.
La compagnie de 100 hommes comprend théoriquement 60% de mousquetaires et 40% de piquiers. Ainsi le régiment écossais d’Hebron, levé en mars 1633, en 12 compagnies de 100 hommes, doit compter 40 piques et 60 mousquets par compagnie. Le régiment allemand de Batilly, levé par capitulation, est formé de 10 compagnies de 100 hommes dont 89 soldats, dont il y aura 3 caporaux, 3 anspessades, 36 piquiers armés de corselets, et 43 mousquetaires. Souvigny nous dit aussi, dans ses Mémoires, que les compagnies du régiment d’Estissac sont, en 1622, à 100 hommes dont 36 piquiers. L’encadrement d’une compagnie comprend un capitaine, un lieutenant, un enseigne, deux sergents, trois caporaux et cinq anspessades.
Le bataillon d’infanterie se range, au début des années 1630, sur 10 rangs (selon Rohan et Gamaliel de la Tour), piques au centre et mousquets sur les ailes. Belhomme, dans son Histoire de l’infanterie en France, affirme que c’est en 1633 que le bataillon se range définitivement sur 8 rangs. Ce n’est que vers 1638 que l’infanterie française passera de 8 à 6 rangs de hauteur, comme le prouve le règlement du Roi pour son régiment des Gardes, d’avril 1638 : en rase campagne, on formera un bataillon sur 6 ou 8 de hauteur, car s’ils sont davantage, il y a la moitié des hommes inutiles, et le roi affectionne le plus la hauteur de 6.
Au début des années 1630, l’infanterie était équipée, selon le duc Henri de Rohan, de la façon suivante : Les armes plus ordinaires de l’Infanterie du temps présent, sont pour la défensive le pot, la cuirasse et les tassettes ; et pour l’offensive l’épée, la pique et le mousquet. (…) Si bien que le corps de bataille consiste aux piques, qui est une arme très propre pour résister à la cavalerie, pour ce que plusieurs jointes ensemble font un corps fort solide et très difficile à rompre par la tête à cause de leur longueur, desquelles il s’en trouve cinq ou six rangs, dont les fers outrepassent le front des soldats, et tiennent toujours les escadrons de cavalerie éloignés d’eux, de douze ou quinze pieds (Le parfait capitaine, Henri de Rohan, vers 1636). Gamaliel de la Tour, qui écrit à la même époque, fait une description analogue de
l’infanterie : Communément les soldats des compagnies de pied sont armés à présent les uns de mousquets, et les autres de corselets,
spécialement aux Pays-Bas, avec les rondachers en front. Et ainsi aux pays qui les imitent. Ou bien, en plusieurs autres pays, ils arment les piquiers de corselets, et en partie de piques sèches, et le reste d’hallebardes (Abrégé de la discipline militaire, Gamaliel de la Tour. Genève, 1634). Les rondachers avaient disparus des armées françaises bien avant 1630.
Les piques provenaient de Biscaye, et les mousquets d’Abbeville ou de Sedan. Mais pour équiper son infanterie, la France se fournissait aussi en Hollande, dont le travail des ouvriers était tout particulièrement apprécié : à moins que de connaître les marques des villes, on croirait que les armes seraient toutes faites par un même ouvrier, nous dit Puysegur ; la poudre avec laquelle j’avais fait l’épreuve, était toute la meilleure, les bandoulières bien larges, avec douze charges, et le poulverin, les bourses où l’on met les balles, fort bonnes. Puysegur ira ainsi acheter en Hollande, au mois de juin 1632, six mille paires d’armes pour le régiment des Gardes Françaises.
La cavalerie française en 1635
Gamaliel de la Tour, dans son Abrégé de la discipline militaire, paru en 1634, nous décrit la cavalerie française telle qu’elle se
présentait à la fin des années 1620s : Des cavaliers, les uns sont de chevaux légers, les autres carabins, arquebusiers, dragons soit mousquetaires à cheval, autres sont gendarmes, soit cuirassiers ou lanciers. (…) Pour les gendarmes, ils sont à présent pour l’ordinaire bien armés, avec leur harnois et cuirasses à l’épreuve du pistolet, et même de la carabine, aucuns aussi résistent au mousquet, ayant les tassettes, genouillères, hausse-col, brassals et gantelets, avec la salade, dont la visière se lève en haut, et fait belle montre. Outre cela, ils ont chacun leur paire de pistolets bien assurez à bon ressort, et encore qu’ils sont courts, ayant un bon calibre, ils en vaudront mieux. (…) Les carabins auront la cuirasse à l’épreuve et un pot en tête, ou salade, sans autres armes défensives, et pour armes offensives, une bonne carabine (soit arquebuse à rouet, ou à fusil, de trois pieds ou peu plus) ayant gros calibre. Puis aussi une bonne épée ou coutelas au côté, et un bon pistolet court et bien assuré. Or l’invention de faire porter la courte carabine fort loin (comme se peut faire aux courts pistolets et courts mousquets) leur sera bien convenable et nécessaire, ayant sa culasse vidée en coquillon, où c’est que la poudre se ramasse et renforce. Ils peuvent porter des casaques, et des ganaches au lieu de bottes, pour mettre pied à terre, et combattre aussi à pied au besoin. Car étant ainsi montés, ils peuvent combattre à pied ou à cheval, et se mêler avec la cavalerie comme a été dit.
Ci-dessus : chevaux-légers français (Aquarelle de Wilke)
Mais Gamaliel de la Tour néglige de nous décrire le principal type de cavalerie, par son nombre : le chevau-léger. Et cette
cavalerie, encore fortement cuirassée dans les années 1620, va s’alléger, suivant l’exemple de la cavalerie étrangère. En 1634, alors que Louis XIII et le cardinal-duc de Richelieu préparent leur entrée en guerre, celui-ci ne cache pas son admiration pour la cavalerie étrangère : J’ai pensé cette nuit qu’il valait mieux lever de la cavalerie étrangère que française, parce que, bien que la dernière soit plus excellente pour les combats, elle est moins bonne pour les fatigues, qui est ce dont on a à faire (Mémoire de Richelieu au Roy, du 12 septembre 1634).
Cette cavalerie étrangère, notamment allemande, est équipée plus légèrement que nos chevau-légers. La réponse du Roi au mémoire de Richelieu ci-dessus est à ce titre édifiante : Il est très à propos, et crois qu’il faut qu’ils soient tous carabins, comme ceux de Miche ; tant parce que la cavalerie étrangère n’est pas meilleure que la nôtre, dès qu’elle a fait un voyage elle jette toutes les hautes et basses armes et ne lui reste plus que la cuirasse, qui est l’arme du carabin ; et pour Mr de Bulion, elle ne coûte pas tant, et me semble qu’il faut lever en Allemagne et Liège, parce qu’on tirera le tout de l’armée d’Espagne, qui, par conséquent, s’affaiblira. Richelieu fait lever dans la foulée cinq
compagnies de carabins, mais veille à ce que la distinction entre ceux-ci et les chevau-légers demeure : on a différé jusqu’ici à donner les deux compagnies de carabins que le Roy a permises à Coucy, parce qu’on craignait qu’il prétendit les tenir toujours joints à ses chevaux légers, et ainsi y fourrer tous les valets de ses dits chevaux légers ; mais ne trouvant personne qui puisse faire des levées, et le dit Coucy consentant que lesdites compagnies soient séparées comme on voudrait, je crois qu’il sera bon de les lui donner. Et Louis XIII répond alors à son ministre : je le trouve bon, pourvu qu’il ne soient logés avec sa compagnie. Jusqu’en 1636, les carabins seront la véritable cavalerie légère de Louis XIII, équipée uniquement d’une cuirasse et d’une bourguignotte, comme le répond le Roi au sieur de Ferron qui en veut lever un régiment de 500 chevaux : il faut des carabins bien montés avec cuirasses.
Ci-dessus : Gendarmes et chevau-léger (Aquarelle de K.A. Wilke)
Il faudra attendre la fin de l’été 1635 pour que l’on voit la cavalerie française, c’est à dire les chevau-légers qui forment le corps de cette cavalerie, réellement alléger son équipement, comme nous le montre cette lettre du 11 août 1635, écrite par le cardinal de Richelieu et destinée au cardinal de la Valette : nous levons 20 régiments & 4 000 chevaux, comme je vous ai mandé, & outre cela nous allons maintenant faire 2 000 chevaux de la nouvelle cavalerie, dont vous m’avez écrit, qui n’aura que la cuirasse, une bourguignotte qui couvre les joues, & une barre sur le nez, une carabine & un pistolet. Je crois qu’on appellera cette cavalerie, cavalerie hongroise ; si ce n’est que Monsieur Hebron nous voulut mander un nom qui fût plus idoine, pour parler selon son langage ordinaire. Cette dénomination de cavalerie hongroise, qui ne désigne pas l’origine des cavaliers, sera régulièrement utilisée. Ainsi cette demande de Richelieu à Servien, datant de septembre 1635, d’envoyer diligemment les 8 commissions de cavalerie hongroise pour Mr de la Moussaye, chez Mr du Chastelet, qui les enverra aussitôt en Bretagne. Vous donnerez aussi une commission de compagnie hongroise au sieur de la Baume. Si les chevau-légers, ne sont pas encore équipés à la hongroise, en ce mois de mai 1635, à quoi ressemblent t-ils ? Heureusement, dans ses Mémoires, Puysegur nous décrit ces cavaliers tels qu’ils se présentaient alors : Nous avions 6 000 chevaux, sans y comprendre aussi les officiers & les valets, tous gens bien armés de bonnes cuirasses, de bonnes tassettes, & le casque en tête. En plus des compagnies de carabins, il existe alors quelques compagnies de mousquetaires à cheval, bien distinctes. La première – la plus célèbre – est apparue en 1622, après la prise de Montpellier : le roi marcha droit à Avignon et pendant sa marche il ôta les carabines à la compagnie de carabins, et leur fit bailler des mousquets, et donna la compagnie vacante par la mort du capitaine au Sieur deMontalet, la Lieutenance au Sieur de la Vergne et la Cornette au Sieur de Montalet, qui portait le même nom. (…) Sa majesté demanda à M. d’Espernon six de ses Gardes, pour mettre dans ladite compagnie ; elle voulut et je puis même dire qu’elle me força de prendre une casaque de mousquetaire. Mais en mars 1635, dans un de ses mémoires au Roi, Richelieu se rallie à l’opinion de ses conseillers, contre la levée de nouvelles compagnies de mousquetaires à cheval : beaucoup estiment qu’il vaut mieux ne faire point du tout présentement de compagnies de mousquetaires à cheval que d’en faire, vu qu’on se mettrait au hasard de bien préjudicier à l’infanterie, dont on a besoin. J’avoue que je suis de cet avis en l’occasion présente. Et Louis XIII abonde en son sens. Il n’y aura donc aucune compagnie de mousquetaires à cheval à la bataille d’Avins. En pratique, rien ne distingue le mousquetaire à cheval du dragon et le cardinal Richelieu changera d’avis lorsque le Roi lui donnera, en mai 1635, commission de lever son propre régiment de mousquetaires à cheval, dits dragons. Six régiments de dragons seront ensuite levés à partir de compagnies de carabins que le Cardinal fait dissoudre : Cardinal-duc, Alègre, Bruslon, Bernieult, Mahé et Saint-Rémy, régiments
qui seront prêts le 30 juillet.
Ci-dessus : Mousquetaires à cheval et Mousquetaires du Roi (Aquarelle de K.A. Wilke)
Enfin, il y aura une compagnie de gendarmes dans l’armée de Châtillon et Brézé : la compagnie de gendarmes de Monsieur qui sera placée au centre de la seconde ligne, formant un escadron avec ses chevaux légers. Cette compagnie, dont le capitaine est Puylaurent, a été créée le 1er octobre 1634. Le 25 février 1635, Louis XIII accepte que son effectif passe de 100 à 200 maîtres.
Gendarmes français (Aquarelle de K.A. Wilke)
La cavalerie française ne sera formée en esquadres, à la demande de Richelieu, que le mois suivant : jusqu’au mois de juin 1635, elle n’est organisée qu’en compagnies franches. On compte ainsi 64 compagnies de chevau-légers et 7 compagnies de carabins en octobre 1634 puis 84 compagnies en mai 1635. Les compagnies de carabins sont théoriquement de 80 maîtres, celles de chevaux légers de 90, celles de gendarmes de 100 maîtres et 200 pour les compagnies du Roi et des princes.
L’armée des maréchaux Châtillon et Brézé à la bataille d’Avins
L’armée française des maréchaux Châtillon et Brézé compte plus de 20 000 fantassins et 6 à 7 000 chevaux selon Pontis, 22 000 fantassins & 6 000 chevaux hors officiers et valets, en deux brigades de 11 000 fantassins et 3 000 cavaliers, et 24 canons selon Puysegur. Le sieur de Brasset, dans une lettre datant du 26 avril 1635, estime qu’il y a, à l’armée, 20 000 hommes de pied & 5 000 chevaux. Le 20 avril, Servien écrit à Châtillon que Sa Majesté ne désire pas que vous conduisiez avec vous plus de 23 000 hommes de pied effectifs, & 5 000 chevaux, en les comptant en la forme que vous dira ledit sieur d’Espenan. Enfin, une lettre de Châtillon au Roy, datant du 1er juin indique que par une monstre ordinaire qui a été faite, il se trouve plus de 22 000 hommes de pied & 4 500 chevaux. Dans une lettre du 21 avril à Servien, Richelieu compte 13 régiments d’infanterie pour Châtillon (il évalue leur effectif entre 12 500 et 16 000 hommes de pied), auquel il envoie 10 régiments en renfort, une compagnie de gendarmes, 51 compagnies de chevaux-légers et carabins et 400 chevaux liégeois de Miche. Il présuppose cette cavalerie à 5 130 chevaux, en les comptant pour leur nombre effectif. Richelieu compte donc ici les compagnies à 100 chevaux, alors que Servien conviendra, le 20 avril, qu’il faut compter les compagnies sur le pied de guerre de 90 maîtres. Mais Puysegur affirme que les escadrons comptaient 100 chevaux, ce qui sous-entend que la majorité des com- pagnie ne comptaient que 50 maîtres. Dans ce même courrier, Richelieu évoque six compagnies de cavalerie en réserve dont trois seront envoyées en garnison dans des places de la région.
Chaque brigade compte 11 000 fantassins et 3000 chevaux selon Puysegur (mais lorsqu’il déploie son armée, il ne compte
plus que 14 escadrons de 100 chevaux). La carte de Melchior Tavernier recense, pour l’infanterie, 22 régiments faisant chacun un bataillon, et 30 escadrons de cavalerie composés chacun – le plus souvent – de deux compagnies de cavalerie, ce qui confirme l’évaluation de Puységur. Cette carte représente l’infanterie et la cavalerie française sur trois lignes, la troisième ligne constituée par la réserve de Chastelier-Barlot. L’infanterie, au centre, est composée en première ligne des bataillons de Champagne, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Maréchal Brézé, La Mothe-Houdencourt, La Meilleraye, Saucourt et Piémont, et en seconde ligne des bataillons de Sy, Chuin, Coursan, Calonge, Bellebrune, Castelnau, Polignac et Migneux. La réserve d’infanterie, en troisième ligne, comprend les bataillons de Grancey, de Menilserran, de Monmège (ouMontmège) et du marquis de Brézé, soit de l’ordre de 4 000 hommes.
L’aile gauche de cavalerie est composée de deux lignes de cinq escadrons chacune, alors que l’aile droite compte 11 escadrons. Un escadron de cavalerie, composé des gendarmes et chevaux-légers de Monsieur est au centre de la seconde ligne, alors que la réserve comporte 8 escadrons supplémentaires faisant 800 à 1 000 chevaux. Enfin, seulement 7 pièces d’artillerie sont représentées sur le plan de Tavernier, placées devant la brigade Brézé, alors que le Mercure Français en annonce 12.
Il est difficile de retrouver la composition exacte de chacune des deux brigades. L’armée de Châtillon comprenait à l’origine, avant de devenir la brigade de Champagne, les régiments maréchal de Brézé, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Cy (ou Sy), Bellebrune, Polignac, Monmege, Calonge, Saucourt, Medavy (Grancey) et Hauregard (liégeois). Ces deux derniers régiments n’apparaissent pas sur la représentation de Tavernier. Le 5 avril, Châtillon écrit à Servien que des treize régiments, il n’y en a que deux qui soient faibles, la plus grande partie des autres sont complets. Le régiment de monsieur le maréchal de Brézé est parfaitement beau : je l’ai vu & considéré à loisir. Celui du marquis son fils est aussi en très-bon état, il y a 200 super-numéraires. Celui de Genlis, de Bellebrune, de Polignac & de Mommeige, que j’ai vus, sont fort bons aussi. Medavy, Calonges & Lusignan sont entièrement complets, & remplis de fort bons hommes. Le régiment de Longueval est bon, à ce que l’on m’a dit, mais je ne l’ai pas vu. Plessis-Praslin, Socourt & le régiment Liegeois sont les plus
faibles, particulièrement le dernier est en assez mauvais état. Les restes de ce régiment liégeois ont probablement été absorbé dans un autre bataillon ou laissés en garnison.
La composition du corps de Brézé, ou brigade de Piémont, nous est partiellement donnée par Servien, dans une lettre du 21
avril 1635 : Je présuppose comme chose infaillible que les treize régiments qui sont avec M. le maréchal de Châtillon, les quatre vieux qui viennent d’Allemagne, Vardembourg, Orelio, Migneux, Mesnilmeran, Baradat et Castelnau, composeront l’armée de Flandres. Les quatre vieux régiments évoqués par Châtillon, le 9 avril, lorsqu’il se réjouit de ce que Monsieur le Maréchal de Brézé se trouvera à même rendez-vous que moi, vers Mézières, avec une partie des vieux régiments, sont Piémont, Champagne (qui sera transféré à la brigade de Châtillon), La Meilleraye, et marquis de Brézé. On retrouve deux de ces quatre régiments sur l’ordre de bataille de Tavernier, ainsi que les régiments de Migneux, de Castelnau et de Mesnil-Serran. Les régiments de Vardembourg, Orelio et Baradat (ces deux régiments envoyés depuis en Lorraine) n’apparaissent pas alors que sont listés ceux de Chuin, et de Coursen. Coursen est celui de Coursan évoqué dans une lettre de Châtillon. En fin de compte, si l’on en croit le plan de Tavernier, la brigade Piémont serait constituée des régiments Piémont, Saucourt, La Meilleraye, La Mothe-Houdencourt, maréchal Brézé, Migneux, Polignac, Castelnau, Bellebrune, et probablement Calonge. Puysegur évo-
que bien 10 bataillons, en deux lignes de 5, lors de la bataille d’Avins. La brigade Champagne serait composée des régiments Champagne, Plessis-Praslin, Longueval, Genlis, Lusignan, Sy, Chuin, Coursen (ou Coursan), Grancey, Mesnilserran, Monmège et marquis de Brézé, soit 12 régiments ou bataillons. Les quatre derniers faisant partie du corps de Chastellier-Barlot.
Un régiment d’infanterie, qui n’est pas un vieux corps compte théoriquement 1 200 hommes. Mais d’après Châtillon, ses régiments comptent en moyenne 7 à 800 hommes : selon que je peux juger à peu près (avant la monstre générale), je crois qu’on peut faire état qu’il se trouvera dans les treize régiments que j’ai ici 10 000 hommes de pied effectifs, sans comprendre les officiers, écrit-il le 1er avril. Et Servien lui répond, le 20 avril, qu’il faut que les 13 régiments qui ont été jusqu’ici près de vous, fassent pour le moins 12 000 hommes effectifs. Aussi est-ce le nombre pour lequel on désire que vous le receviez dans le Corps d’armée, que vous de- vez mettre en campagne. Et vous ne sauriez, ce me semble, Monsieur, vous en plaindre, d’autant que si nous voulions le faire passer pour complets, ils devraient faire près de 15 000 hommes.
La cavalerie est formée de 52 compagnies formant 30 escadrons, dont une compagnie de gendarmes, les gendarmes de Monsieur, et 4 compagnies de carabins (Arnaud, Bideran, Montbuisson et Villars). Dans sa lettre du 5 avril, Châtillon écrit que pour ce qui est de la cavalerie, ce sont les meilleurs hommes que je vis jamais, & les mieux montés, & toutes les compagnies complètes, & des officiers très-bien choisis & soigneux de leur devoir. Servien écrit le 20 avril à Châtillon que, pour la cavalerie, ledit sieur d’Espernon vous fera voir, que comptant les compagnies sur le pied de guerre 90 maîtres, comme elles doivent être & comme il faut obliger les capitaines de les y mettre, le nombre que nous vous fournissons, doit faire plus de 5 000 chevaux.
La réserve de Chastelier-Barlot (4 000 fantassins en 4 bataillons et 1 000 cavaliers en 8 escadrons), faisant partie de la brigade Châtillon, n’ayant eu le temps d’arriver sur le champs de bataille, ce sont donc moins de 18 000 fantassins et 4 000 cavaliers qui combattront réellement.
Enfin, dans sa lettre datée du 9 avril, Châtillon demandait à Servien une compagnie de cent bons Pionniers, commandés par un homme laborieux & diligent. Car de se fier qu’on a des pelles & des pics pour faire prendre aux soldats quand on veut, ou qu’on se peut servir des paysans, cela est bon pour un lieu arrêté, quand on entreprend un siège ; mais lorsque l’armée marche, la compagnie de Pionniers est du tout nécessaire, tant pour faire le chemin du canon, que pour couper les haies, & remplir proprement les fossés, quand il se rencontre occasion de mettre l’armée en bataille ; ce qui arrive assez souvent, lorsque l’on est en pays de l’ennemi. On a aussi besoin d’un bon Capitaine des Guides, à qui l’on donne bon appointement. Servien lui répond le 20 avril que l’on fait lever des Pionniers, que vous avez marqué très à propos nécessaires pour une dans une armée, lorsqu’elle marche.
Stéphane Thion (extrait de La bataille d’Avins, 1635)