L’armée bavaroise à Fribourg (août 1644)
Depuis le début de la guerre de Trente Ans, les Bavarois ont formé le coeur des armées de la Ligue Catholique[1]. À la mort de Tilly, au printemps 1632, les unités bavaroises seront absorbées par l’armée impériale de Wallenstein et de ses successeurs. Après la bataille de Nördlingen, en 1634, une armée à forte dominante bavaroise réapparait peu à peu, comme le corps de Götz qui combattra en 1638 à Rheinfelden. Cette année-là, Mercy prendra le commandement d’une armée exclusivement bavaroise.
L’organisation de l’armée bavaroise est comparable à celle de l’armée impériale. L’infanterie est composée de régiments comptant de 8 à 13 compagnies de théoriquement 200 à 300 hommes alors que la cavalerie est formée en régiments comptant 5 à 10 compagnies de 100 chevaux. Un régiment d’infanterie peut donc réunir, sur le papier, de 1500 à 4000 hommes alors qu’un régiment de cavalerie peut compter de 500 à 1000 hommes. En pratique, ce n’était bien sûr jamais le cas. Les compagnies d’infanterie du feldmarschall Götz comptent ainsi, en 1638, entre 45 à 150 hommes, soit une centaine d’hommes en moyenne. De même, en 1642, les compagnies d’infanterie de l’armée de Mercy comptent 70 à 120 hommes. Pour la cavalerie, l’effectif réel des compagnies est plus proche de son niveau théorique. Il est ainsi de 90 hommes en 1640 et 93 ou 100 hommes à différentes dates de l’année 1642.
L’encadrement d’une compagnie d’infanterie est particulièrement fourni, les hommes du rang comptant pour moins des deux tiers de l’effectif. Ainsi, une compagnie du régiment Wahl en garnison à Ingolstadt compte, le 3 juin 1644 : un hauptmann (capitaine), un lieutenant, un fähnrich (enseigne), un feldwaibel (sergent), un feldwaibel réformé, un lehrer (précepteur), un furier (fourrier), un musterchreiber (secrétaire), un feldscherer (barbier), 6 corporäle (caporaux), 3 trommelschläger (tambours), 5 leib und fourierschützen (fourriers), 13 gefreite (soldats de première classe) et 64 soldats faisant en tout 100 hommes.
La répartition entre piquiers et mousquetaire est comparable à ce qui se pratique dans les armées impériales, soit un tier de piques pour deux tiers de mousquets. Raimondo Montecuccoli , le futur grand adversaire de Turenne, affirme d’ailleurs que « les régiments d’infanterie (impériaux) sont composés, les deux tiers de mousquetaires et un tiers de piquiers ». Il ajoute que l’on « ne se sert plus d’arquebuses dans les troupes allemandes, parce que le mousquet porte plus loin, et que l’homme qui porterait une arquebuse peut porter un mousquet ». La pique, longue de quinze à dix-sept pieds (de 4,5 à 5 mètres), est considérée comme l’arme reine de l’infanterie.
Infanterie bavaroise, années 1630 (Aquarelle de K.A. Wilke)
Contrairement à son homologue française, la cavalerie bavaroise a gardé la distinction entre cuirassiers et arquebusiers à cheval. À ces deux armes s’ajoutent les dragons, plus polyvalents. Quatre régiments de cuirassiers, trois d’arquebusiers à cheval et deux de dragons seront ainsi alignés à Fribourg.
Montecuccoli décrit les cuirassiers comme « armés aujourd’hui de demi-cuirasses, qui ont le devant et le derrière, de bourguignottes composées de plusieurs lames de fer attachées ensemble par derrière et aux côtés pour couvrir le col et les oreilles, et de gantelets, qui couvrent la main jusqu’au coude. Les devants de cuirasse doivent être à l’épreuve du mousquet, et les autres pièces à l’épreuve du pistolet et du sabre. Leurs armes offensives sont le pistolet et une longue épée qui frappe d’estoc et de taille ». Les arquebusiers à cheval sont théoriquement moins bien protégés mais ajoutent l’arquebuse à leur armement : « Les arquebusiers ou carabiniers ne peuvent faire un corps solide, ni attendre de pied ferme le choc de l’ennemi, parce qu’ils n’ont point d’armes défensives : c’est pourquoi il ne serait pas à propos d’en avoir un grand nombre dans une bataille, parce qu’on ne saurait les placer qu’ils ne causent de la confusion en tournant le dos. Comme leur emploi est de tourner en caracolant, et de faire leur décharge, puis de se retirer si l’ennemi les presse par derrière et qu’ils se retirent si vite que cela ait l’air de fuite, ils ôtent le courage aux autres, ou bien ils les heurtent, et se renversent sur eux. C’est ce qui détermina Wallenstein général, des troupes de l’Empereur, de les proscrire de l’armée après la funeste expérience qu’il en fit à la bataille de Lutzen l’an 1632 ». Enfin, les dragons « ne sont autre chose que de l’infanterie à cheval armée de mousquets légers, un peu plus courts que les autres, de demi-piques et d’épées, pour se saisir d’un poste en diligence, et pour prévenir l’ennemi dans un passage. On leur donne pour cela des hoyaux et des pelles. On les met à cheval au milieu et dans les vides des bataillons pour tirer de là par dessus les autres ; d’ailleurs ils combattent d’ordinaire à pied ».
Ci-dessus : cuirassiers et étendards de cavalerie bavaroise (aquarelle de K.A. Wilke)
En juillet 1644, l’armée du feldmarschall[2] von Mercy compte près de 16 000 hommes dont 8 500 à 9 000 fantassins sous Ruischenberg, 7 à 8 000 cavaliers sous Jean de Werth et 28 canons. Son infanterie compte onze régiments totalisant 94 compagnies : Wahl, Mercy, Ruischenberg[3], Hasslang, Gold, Holz, Winterscheid, Miehr, Rouyer, Fugger et Entschering.
Sa cavalerie compte, le 18 juillet 1644, quatre régiments de cuirassiers (Mercy, Gayling, Kolb, et Lapierre), trois régiments d’arquebusiers à cheval (de Werth, Sporck et Cosalky), et deux régiments de dragons (Wolf et Kurnreuter).
L’armée bavaroise de Mercy à la bataille de Fribourg
Infanterie : Effectif le 18 juillet 1644
Régiment de Wahl 6 compagnies 705 hommes
Régiment de Mercy 10 compagnies 1031 hommes
Régiment de Ruischenberg 11 compagnies 917 hommes
Régiment d’Hasslang 8 compagnies 741 hommes
Régiment de Gold 8 compagnies 1064 hommes
Régiment d’Holz 8 compagnies 977 hommes
Régiment de Winterscheid 8 compagnies 951 hommes
Régiment de Miehr 9 compagnies 850 hommes
Régiment de Rouyer 8 compagnies 862 hommes
Régiment de Fugger 8 compagnies 900 hommes
Régiment d’Entschering 10 compagnies 929 hommes
Total au 18 juillet 9 927 hommes
Effectif estimé à Fribourg 8 500 à 9 000 hommes
Cavalerie : Effectif estimé
Régiment de cuirassiers de Mercy 8 compagnies 800
Régiment de cuirassiers de Gayling 9 compagnies 900
Régiment de cuirassiers de Kolb 8 compagnies 800
Régiment de cuirassiers de Lapierre 9 compagnies 900
Régiment d’arquebusiers de Werth 8 compagnies 800
Régiment d’arquebusiers de Sporck 10 compagnies 1000
Régiment d’arquebusiers de Cosalky 8 compagnies 800
Régiment de dragons de Wolf 6 compagnies 600
Régiment de dragons de Kurnreuter ? 600
Total estimé 7 200 hommes
Total déclaré 9 713 hommes
Artillerie : 4 demi-canons de 24 livres, 5 demi-couleuvrines de 12 livres, 8 faucons de 5 livres, 3 fauconneaux de 3 livres et 3 mortiers.
[1] La Ligue catholique ou Sainte Ligue catholique est une alliance militaire des États allemands catholiques. Elle fut fondée en 1609 par le duc Maximilien de Bavière.
[2] Grade équivalent au Maréchal français.
[3] Ou Reischenberg.
Stéphane Thion