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Category: Histoire du XVII°s

La bataille de Nieuport (2 juillet 1600)

La bataille de Nieuport (2 juillet 1600)

Bataille de Nieuport, 2 juillet 1600 lors de la Guerre de Quatre-vingt ans par Sébastien Vrancx (1573–1647)

En 1599, le conseil des États, cherchant à profiter de la faiblesse du gouverneur des Pays-Bas espagnols, l’Archiduc Albert, conséquence des mutineries qui ont éclaté dans l’armée des Flandres, demande à Maurice de Nassau d’intervenir sur la côte maritime. Le prince d’Orange débarque alors près du Sas van Ghent et marche sur Nieuport, avec une armée de 11 à 12 000 hommes. Mais   l’Archiduc Albert va réagir rapidement, menant une force équivalente, dont 1 400 mutins (800 fantassins et 600 cavaliers), et prenant des avant-postes autour d’Oostende. Maurice de Nassau, surpris, parvient à fortifier le pont de Leffigen.

Le 2 juillet à l’aube, l’avant-garde espagnole reprend le pont de Leffigen et débouche sur les dunes de Nieuport.  Maurice de Nassau accepte la bataille. Après-midi, les Espagnols attaquent l’avant-garde hollandaise, constituée des anglais de Veer, sans parvenir à les déloger. L’Archiduc Albert lance alors son corps de bataille dans l’action mais les anglais résistent toujours. La première ligne de Maurice finit par céder, après plusieurs assauts espagnols. Mais sur le flanc gauche espagnole, la cavalerie espagnole est battue. Alors que l’infanterie espagnole progresse, Maurice de Nassau lance sa réserve : 300 cuirassés vont charger avec succès, surprenant l’infanterie espagnole qui commence à reculer. L’infanterie française et hollandaise qui accompagne cette charge de cavalerie, fait alors refluer l’infanterie espagnole.

L’Archiduc perdra 3 600 tués, blessés et prisonniers dans la bataille, Maurice de Nassau perdant pour sa part près de 2 500 hommes, dont 1 000 au pont de Leffigen.


L’armée des Pays-Bas

Général en chef : Maurice de Nassau, prince d’Orange

Avant-garde (aile gauche) – comte Louis de Nassau

Cavalerie : 3 compagnies de cuirassiers en une troupe (Louis de Nassau, Maurice de Nassau & Henri Frédéric de Nassau), 3 compagnies de cuirassiers en une troupe (Marcelis Bacx, Paul Bacx & la Salle) et 2 compagnies de carabins/arquebusiers à cheval (Penny & Battenborch), pour un total de 8 cornettes ou compagnies.

Infanterie :  3 régiments d’infanterie (deux régiments anglais, Francis et Horatius Veer, de 13 & 11 compagnies, un régiment frison, Guillaume de Nassau de 17 compagnies) et 2 compagnies de gardes (prince Mauride de Nassau & comte Hohenlo), en 9 bataillons (4 Anglais, 4 Frisons & Gardes de Nassau).

Artillerie : 2 couleuvrines.

Bataille (centre) – comte George Evrard de Solms

Cavalerie :

Cavalerie : 4 compagnies de cuirassiers (George Everard de Solms, Frédéric de Solms, Jean Bacx, Cloet) en une troupe et 3 compagnies de cuirassiers en une seconde troupe (Godard de Bale, Vere, Cecilieu), le tout faisant 7 compagnies. Cloet & Cecilieu sont peut-être des compagnies de carabins.

Infanterie : un régiment wallon (comte Henri Frédéric de Nassau à 9 compagnies), un régiment suisse à 4 compagnies suisses, un régiment français (Dommerville, à 12 compagnies), le tout en 3 bataillons.

Artillerie : 1 fauconneau.

Arrière-garde – Olivier van der Tempel

Cavalerie : 3 compagnies de cuirassiers (Harangier, Hamelthon & Couteler). Les 3 compagnies sont regroupées en un escadron (cuirassiers).

Infanterie : 3 régiments d’infanterie (Ernest de Nassau à 13 compagnies, Gistelles à 8 compagnies & Huctenbrouck à 7 compagnies), le tout en 4 bataillons (2 hollandais & 2 allemands).

 

L’armée de Maurice compte 10 000 fantassins en 17 bataillons, 1 200 cavaliers en 19 cornettes et 6-8 pièces d’artillerie. Un bataillon d’infanterie comprend 50% de piques et 50% de tireurs. Les tireurs sont équipés pour 1/3 d’arquebuses et pour 2/3 de mousquets.

Les bataillons d’infanterie sont des batailllons réformés., les escadrons de cuirassiers sont cuirassiers (pistolet), les carabins/arquebusiers sont arquebusiers montés.

Echelle de réduction : Pour l’infanterie, prendre un bataillon réformé pour deux bataillons réels (8 bataillons dont 4 à l’avant-garde, 2 à la bataille et 2 à l’arrière-garde) et un escadron pour 6 compagnies/cornettes de cuirassiers/arquebusiers (3 escadrons de cavalerie soit 1 escadrons de cuirassiers à l’avant-garde, 1 escadrons de cuirassiers à la bataille et 1 escadron de cuirassiers à l’arrière garde). Pour l’artillerie, prendre deux artilleries moyenne.

 

L’armée Espagnole

Général en chef : Archiduc Albert d’Autriche

Avant-garde (aile droite) – François de Mendoza, Admirant d’Aragon

Infanterie (centre) : un escadron formé des mutins de divers tercios.

Cavalerie aile gauche : une compagnie de lanciers et une compagnie d’arquebusiers à cheval formant un escadron de lanciers.

Bataille (centre) – Archiduc Albert

Infanterie (centre) : un escadron composé des tercios de Monroy & de Villar et un escadron composé des tercios de Zapena & d’Aquino.

Cavalerie (centre) : les 3 compagnies de gardes de l’Archiduc soit 1 compagnie de cuirassiers, 1 compagnie de lanciers et 1 compagnie d’arquebusiers à cheval, formant un escadron de cuirassiers.

Artillerie : 2 couleuvrines.

Arrière-garde (aile gauche) – comte de Bucquoy

Infanterie (centre) : un escadron formé des tercios de Bostock (Irlandais), de Bucquoy et de la Bourlotte (Wallons).

Cavalerie de l’aile gauche : 4 compagnie d’arquebusiers à cheval, 4 compagnie de lanciers et 4 compagnies de cuirassiers sur 3 lignes. Soit un escadron d’arquebusiers, un de lanciers & un de cuirassiers.

 

L’armée espagnole compte 6 800 fantassins (dont 800 mutinés) en 4 escadrons de 1 600 à 1 800 hommes, 1 000 à 1 200 cavaliers (dont 600 mutinés) en 17 compagnies de 60-70 chevaux par compagnie et 4-6 pièces d’artillerie.

Les quatre escadrons espagnols sont tercios et field square (option de les passer tercios viejos field square pour équilibrer les budgets). Les cuirassiers sont cuirassiers, les lanciers sont cuirassiers avec lances, les arquebusiers montés sont arquebusiers montés.

Echelle de réduction : prendre un escadron d’infanterie (tercio) pour un réel et un escadron de cavalerie pour 6 compagnies (400 chevaux) soit 1 escadron de lanciers, 1 escadron de cuirassiers et 1 escadron d’arquebusiers montés (à répartir comme vous le souhaitez dans les différents corps). Pour l’artillerie, prendre 2 artilleries moyennes.

Pour les généraux :selon votre choix, à adapter afin d’équilibrer les budgets des deux armées.

Stéphane Thion

Composition des régiments d’infanterie allemands au début de la guerre de 30 ans

Composition des régiments d’infanterie allemands au début de la guerre de 30 ans

Voici quelques chiffres illustrant la composition des régiments d’infanterie allemands entre 1614 et 1624 :

1- Les forces armées devant être levées en Allemagne en 1614 (source : Heilman « Kriegsgeschichte von Bayern Franken 1618-34 ») : il s’agit donc là de chiffres théoriques.

Piquiers Mousquetaires Hallebardiers Tambours
Strasbourg 1216 1216 24 24
Worms 373 373 7 7
Speyer 373 373 7 7
Weissenburg 151 151 4 4
Landau 130 130 3 3
Ulm 1216 1216 24 24
Nördlingen 352 352 7 7
Schwäbisch & Hall 396 396 8 8
Heilbronn 281 281 6 6
Memmingen 223 223 4 4
Kempten 211 211 4 4
Nürnberg 2000 2000 40 40
Rothenburg 514 514 10 10
Schweinfurt 201 201 4 4
Windshaim 227 227 5 5
Weissenburg am Nordgau 135 135 3 3
Total 7999 7999 160 160

 

2-  Chiffres détaillés d’un régiment allemand en 1624 (source : Heilman)

Régiment à 18 compagnies totalisant 4346 hommes répartis entre 2536 mousquetaires (mussketiere) et 1810 piquiers (doppelsöldner pour « double-solde ») plus 285 chevaux.

Fichier pdf au cas où cette version image ne soit pas assez lisible :

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Stéphane Thion

La bataille des Dunes (1658)

La bataille des Dunes (1658)

La bataille des Dunes, 14 juin 1658

(Article de S. Thion paru dans feu la revue « Histoires de France »).

Turenne à la bataille des Dunes, par Charles-Philippe Larivière (1837)

Le traité de Westphalie, signé le 24 octobre 1648, met fin à la guerre de Trente Ans mais pas au conflit opposant la France à l’Espagne. Il faudra encore onze années de guerre avant que le traité des Pyrénées y mette un terme.

En mars 1657 Cromwell, le « protecteur de l’Angleterre », avait promis de fournir 6 000 hommes au roi de France dans le but d’assiéger Dunkerque ou Gravelines. En échange, Mazarin promettait de lui livrer Dunkerque. Au mois de mai de cette même année, Turenne tente de surprendre Cambrai. Mais Condé, allié aux Espagnols, ne se laisse pas duper. Il force Turenne à lever le siège de la ville. Les Franco-Espagnols réunissent leurs forces pendant que les Anglais rejoignent l’armée royale à Saint-Quentin. Mazarin envoie le maréchal de la Ferté attaquer Arlon et Montmédy, aux confins du Luxembourg, pendant que le vicomte de Turenne et les Anglais couvrent l’opération sur la Sambre et la Meuse. Les Franco-Espagnols décident d’en profiter pour surprendre Calais, mais ils échouent. Montmédy capitule le 6 août 1657, ainsi que Saint-Venant trois semaines plus tard. Aussitôt, Turenne court au secours d’Ardres, forçant l’ennemi à lever le siège. La campagne se termine par la prise de Mardyck, fort important par sa proximité avec Dunkerque.

Début mai de l’année suivante, le roi amène 2 000 à 3 000 hommes commandés par Castelnau à Calais, puis à Mardyck. Turenne, à la tête de 7 000 à 8 000 hommes, progresse vers Dunkerque où il doit rejoindre les 6 000 Anglais de Lokard. Mais l’ennemi a inondé la plaine qui s’étend de Bergues à Furnes et il ne trouve aucun passage. La seule voie libre est barrée par une redoute. Turenne fait construire des ponts sur la Colme et combler des fossés pour passer. Il demande dans le même temps de l’aide à Castelnau pour prendre l’ennemi en tenaille. Débordés, les Espagnols se retirent dans Bergues et Dunkerque. Turenne place alors son armée dans les dunes près de l’estran.

Le vicomte de Turenne par Charles Le Brun

Le siège de Dunkerque débute le 15 mai 1658, la flotte anglaise en faisant le blocus côté mer. La place est commandée par un brave gouverneur, le marquis de Leyde, qui ordonne dès le quatrième jour une sortie. Celle-ci est repoussée après avoir semé le désordre, mais elle sera suivie de plusieurs autres les jours suivants. Don Juan d’Autriche et le prince de Condé apprennent la nouvelle avec surprise : Gravelines, Bergues et Furnes étant entre leurs mains, ils pensaient l’entreprise impossible. Réagissant rapidement, ils rassemblent l’armée pour se porter au secours de Dunkerque. Leur avant-garde atteint le 13 juin les tranchées de Turenne, suivie deux jours plus tard du reste de l’armée. Turenne met l’armée en bataille, laissant quelques troupes dans les tranchées. Il dispose ses troupes sur une hauteur, fait planter des pieux sur l’estran et bâtir en hâte quelques retranchements sur le haut des dunes.

L’armée espagnole s’arrête à une demi-lieue (1,6 km) des lignes françaises, sa droite appuyée à la mer, sa gauche au canal qui va de Furnes à Dunkerque, le centre dans les dunes qui s’avèrent « accessibles, mais inégales ». Dans la nuit, le prince de Condé fait construire un pont sur le canal qui tient son aile gauche. Turenne s’en aperçoit et, craignant que l’ennemi ne traverse pour marcher des deux côtés du canal, prend l’initiative du combat.

L’armée de Turenne compte 8 000 à 9 000 fantassins et 5 000 à 6 000 chevaux ; l’infanterie, 18 bataillons d’infanterie dont six anglais, est placée au centre sur deux lignes alors que la cavalerie, composée de 58 escadrons, est placée sur les ailes et en réserve. Cinq pièces d’artillerie sont positionnées sur chaque aile. Castelnau commande l’aile gauche de cavalerie, Créqui et d’Humières l’aile droite, Richelieu la réserve. Gadagne commande la première ligne d’infanterie et Bellefonds la seconde.

En face, l’armée franco-espagnole est retranchée sur une dune, couverte d’un « rempart de sable où il était difficile de monter ». Don Juan d’Autriche est à l’aile droite, avec le marquis de Caracène, le duc d’York, le duc de Gloucester et don Estevan de Gamare ; Condé est à l’aile gauche avec Coligny, Boutteville, Persan, Guitaut et le comte de Suze. Ses effectifs sont comparables aux Français : 6 000 fantassins en 15 bataillons et 8 000 chevaux en 62 escadrons. La cavalerie est disposée entre les dunes, sur deux lignes, derrière l’infanterie. L’artillerie espagnole n’a pas encore rejoint l’armée.

L’armée de Turenne marche au petit pas, les hommes s’attendant les uns les autres afin de garder l’alignement. Les pièces d’artillerie progressent devant les premiers escadrons, tirent un ou deux coups, puis sont attelées pour reprendre leur progression. Cinq tirs seront ainsi réalisés avant que les armées ne se joignent. En mer, des frégates anglaises s’approchent et ouvrent le feu sur le flanc espagnol. Sur l’aile gauche française, deux bataillons anglais gravissent la dune la plus avancée et croisent la pique avec les Espagnols, avec beaucoup de fierté et de courage. Les Espagnols « avaient la droite de tout », c’est-à-dire la place d’honneur. Un tercio, celui de Gaspard Boniface, est mis e fuite mais la cavalerie espagnole, placée en soutien de son infanterie, menace les Anglais. La cavalerie française accourt au grand trot : quelques escadrons ayant progressé le long de l’estran surgissent entre les deux lignes ennemies, semant la confusion. Plus à droite, l’infanterie française – gardes françaises et suisses, régiments de Picardie et de Turenne – soutenue par quatre escadrons de cavalerie, attaque l’infanterie wallonne, irlandaise et française qui lui est opposée. Celle-ci lâche aussitôt pied. La cavalerie française parvient de son côté à rompre les premiers escadrons du prince de Condé, mais celui-ci intervient en personne et rétablit la situation. La cavalerie de Turenne, ayant poussé trop avant, est « ramenée » par l’ennemi. Profitant de ce répit, toute la cavalerie de Condé avance en bon ordre. Mais les bataillons des gardes françaises et suisses, tournant légèrement à droite, et le régiment d’infanterie de Montgomery, situé à l’extrême droite, la reçoivent en lâchant une décharge meurtrière. Condé a un cheval blessé sous lui, Boutteville et Coligny sont faits prisonniers. La confusion se répand dans les rangs ennemis.

Ses deux ailes ébranlées, toute l’armée franco-espagnole tente de se replier en bon ordre. Mais l’exercice va s’avérer délicat : près de 1 000 tués et blessés restent sur le champ de bataille et 3 000 à 4 000 ennemis sont faits prisonniers. Les pertes de Turenne sont insignifiantes. L’armée étant mobilisée sur le siège de Dunkerque, il n’est cependant pas possible de poursuivre longtemps l’ennemi. Don Juan d’Autriche, le marquis de Caracène, le duc d’York et le duc de Gloucester parviennent à s’échapper.

Bataille des Dunes, lithographie en couleurs de Maurice Leloir (1904)

Dunkerque capitulera le 25 juin et sera remise entre les mains des Anglais le soir même. La place redeviendra française en 1662, lorsque Charles II la revendra à Louis XIV. Quatre jours plus tard, Turenne prend Bergues, puis Furnes. Le traité des Pyrénées mettra définitivement fin au conflit, un an et demi après, le 7 novembre 1659.

Stéphane Thion

 

1635 : Richelieu et Louis XIII dans le bourbier européen

1635 : Richelieu et Louis XIII dans le bourbier européen

(Article paru dans feu la revue « Histoires de France »)

La guerre de Trente Ans n’aurait jamais dû être une guerre française. Il s’agit à l’origine d’un conflit religieux opposant les partis catholiques et réformistes de l’empire des Habsbourg. Lorsque Louis XIII et Richelieu décident d’intervenir, en 1635, le conflit touchait théoriquement à sa fin…

La France et l’Europe au début du XVIIe siècle

Henri IV, père de Louis XIII, avait utilisé toute son énergie à rétablir la paix à l’intérieur et à l’extérieur du royaume. Les conséquences s’en feront lourdement sentir : en 1600, la France est ruinée. Mais l’énergie conjuguée du Roi et de Sully, son surintendant des finances, va relever le pays. Depuis 1599, l’Europe est en paix, à l’exception de la guerre entre les Provinces-Unies et l’Espagne, mais celle-ci est fragile. En Allemagne et en France, l’équilibre entre catholiques et protestants est précaire. Alors que les Habsbourg règnent de Madrid à Vienne, les principautés protestantes tissent un réseau d’alliance, recherchant le soutien de la Hollande, de l’Angleterre ou de la France d’Henri IV. En 1609, tout bascule : Jean-Guillaume, duc de Clèves et Juliers, meurt sans héritier. Alors que plusieurs prétendants à la succession se font connaître, l’empereur Rodolphe II envoie des troupes occuper le duché. C’est l’escalade : deux prétendants,  l’Électeur de Brandebourg et le comte palatin s’unissent contre les Impériaux, après avoir obtenu le soutien de la France. Henri IV lève trois armées pour intervenir aux côtés des princes allemands liés par l’Union de Halle. La république de Venise, la Savoie, l’Angleterre, la Suède, le Danemark et la Hollande doivent soutenir cette intervention. L’assassinat d’Henri IV, le 14 mai 1610, remet en cause ce projet. Mais la régente, Marie de Médicis, suit l’avis de ses ministres et maintient l’opération. Cette expédition, bien plus limitée que celle planifiée à l’origine, mènera à la prise de Juliers. Elle met surtout fin à la crise de Juliers en ménageant les différents partis.

C’est durant la première décennie du XVIIe siècle qu’entre en scène un jeune évêque, Armand-Jean du Plessis de Richelieu. Il a 25 ans en 1610, lorsque Henri IV est assassiné. C’est Concini, favori de Marie de Médicis qui le fait entrer au conseil du Roi, en 1616, comme ministre chargé des affaires étrangères. Luynes succède à Concini, assassiné le 24 avril 1617. À la mort de ce favori, le 15 décembre 1621, les entreprises espagnoles aux Provinces-Unies et l’occupation du Palatinat par les Impériaux en 1622 vont marquer le retour à une politique anti-Habsbourg de la France.

Origines de la guerre de Trente Ans

Ce conflit terrible trouve ses origines en Bohême, la république Tchèque d’aujourd’hui, dans les opérations de « contre-réforme » menées par les catholiques, à l’instigation de l’empereur Ferdinand II de Habsbourg. Son prédécesseur, Rodolphe II, accorde à ses sujets de Bohême, le 9 juillet 1609, que « chaque parti puisse pratiquer librement et pleinement la religion dans laquelle il croît trouver son salut… ». Les protestants tchèques bénéficient par ailleurs d’avantages politiques ainsi que de dispositions particulières pour que les édifices consacrés au culte soient utilisables par les différentes confessions. Cette Lettre de majesté, accordée à contrecoeur par Rodolphe II, est une épine dans le pied des catholiques mais aussi des Habsbourg, au premier rang desquels le tout nouveau empereur et roi de Bohême, Ferdinand II. De fait, les catholiques mobilisent toutes leurs énergies pour reprendre le contrôle des paroisses protestantes. Et chaque fois qu’il est possible, le pouvoir  impérial intervient en leur faveur dans les différents qui opposent les deux confessions. C’est le règlement brutal d’un tel différent en faveur des catholiques qui donne lieu à la « défenestration de Prague » le 23 mai 1618. De 1618 à 1635, Ferdinand II n’aura alors de cesse de rétablir le pouvoir impérial ainsi que la prééminence de la religion catholique au sein de l’empire.

La situation s’envenime : les états de Bohêmes se révoltent et donnent la couronne du royaume à l’Electeur Palatin Frédéric V. L’Empereur réagit et son armée, commandée par Tilly, met en déroute l’armée de la confédération le 7 novembre 1620 à la bataille de la Montagne Blanche, à quelques kilomètres de Prague. Les nombreux succès impériaux  entre 1620 et 1624 commencent alors à inquiéter fortement les puissances européennes : Provinces Unies, Etats protestants d’Allemagne du Nord, Angleterre, Danemark, Suède mais aussi France.

Interventions danoises et suédoises

Les Provinces Unies sont déjà en guerre contre l’Espagne, la Suède est en conflit avec la Pologne et la France fait face à des rebellions protestantes. C’est donc Christian IV de Danemark, soutenu par les Electeurs de Brandebourg et de Saxe, qui va se porter à l’aide de la cause protestante en 1625. Mais Wallenstein, entré au service de l’empereur, défait Mansfeld au Pont de Dessau, le 26 avril 1626, puis Tilly écrase l’armée de Christian IV le 26 août à Lutter-am-Barenberg. Les années 1627 et 1628 seront les années de conquête des territoires de Christian IV et de ses alliés en Allemagne du Nord, puis de réorganisation religieuse dans les territoires conquis. Enfin, le traité de paix du 7 juin 1629 met fin à l’intervention danoise. Ferdinand II a les mains libres pour publier, dès février 1629, son édit de restitution, remettant en cause les sécularisations abusives réalisées depuis 1555. Si le temps des conflits armés parait révolu, celui des complots est à son zénith. Wallenstein suscite de nombreuses inimitiés au sein de l’Empire, notamment celles du duc Maximilien de Bavière et de Tilly. Encouragé par son entourage et par les agents de Richelieu, l’empereur Ferdinand II renvoie Wallenstein le 34 août 1630. Redoutant la victoire de Ferdinand II, la diplomatie française contribue ainsi à ce que l’empereur se « coupe un bras », à la veille de l’intervention suédoise.

Car au même moment, les succès de Ferdinand II, la diplomatie et les subsides françaises décident Gustave Adolphe à intervenir en Allemagne du nord. Sa victoire sur Tilly à Breitenfeld, le 17 septembre 1631, pousse alors l’empereur à rappeler Wallenstein. En juillet 1632, le roi de Suède échoue dans un premier temps, sous les murs d’Alte feste, une forteresse proche de Nuremberg. Mais la bataille de Lützen, le 16 novembre 1632, voit la victoire de Gustave Adolphe sur le généralissime impérial. Cette seconde victoire sera chèrement payée puisque le « lion du nord »(1) y trouve la mort. Poussés par la France de Louis XIII et le chancelier Oxenstierna(2), les généraux suédois Baner, Horn, Torstensson et l’allemand Bernard de Saxe Weimar continuent la guerre, malgré la lassitude des populations. Alors que Wallenstein bat les suédois à Steinau en septembre 1633, Bernard de Saxe-Weimar entre à Donauwörth puis à Ratisbonne le 14 novembre 1633. La prise de Ratisbonne, ville de la Diète d’Empire, pousse le duc Maximilien de Bavière à comploter une fois de plus contre Wallenstein et mènera à son assassinat, dans la nuit du 25 au 26 février 1634(3). Ce meurtre ne profite pas aux Suédois puisque le 6 septembre, le maréchal Horn subit une lourde défaite à Nördlingen. Les Suédois abandonnent la Bavière et Bernard de Saxe-Weimar retourne en Alsace. Des préliminaires de paix entre Ferdinand II et les Electeurs de Saxe et de Brandebourg sont négociés le 23 novembre 1634. Le 30 mai 1635, l’Empereur et l’Electeur de Saxe signent un traité de paix, qui sera bientôt étendu à tous les princes allemands qui le souhaitent.

  1. Surnom donné à Gustave II Adolphe (1594-1632), roi de Suède.
  2. Axel Oxenstierna (1583-1654), le « Richelieu suédois!» est nommé chancelier par Gustave-Adolphe en 1612.
  3. Ratisbonne est une ville du duché de Bavière. Le duc Maximilien de Bavière fournit l’armée de la ligue catholique commandée par Tilly, aux côtés de l’armée impériale commandée par Wallenstein. Mais la puissance de ce dernier et les velléités de pouvoir absolu de l’empereur Ferdinand II sont autant de facteur qui minent le parti catholique. Le duc de Bavière, devenu Électeur impérial le 22 février 1628, reprochera à Wallenstein son inaction lors des prises de Donauwörth et Ratisbonne.

 

La guerre continue

La coalition montée par la Suède de Gustave Adolphe et la France de Richelieu mise à mal, l’Allemagne est maintenant sur le point de retrouver la paix, même si de nombreux princes protestants et villes libres d’Empire y restent hostiles. Mais le chancelier Oxenstierra n’a pas intérêt à une paix en Allemagne : son objectif est de prendre le contrôle de la côte continentale de la Baltique en instaurant un protectorat sur les états protestants d’Allemagne du nord. Le cardinal Richelieu, craignant que l’Espagne de Philippe IV puisse utiliser les troupes impériales ainsi libérées par la fin du conflit pour menacer les intérêts français, n’a pas plus d’intérêt à une fin des hostilités. Dans ses mémoires, il nous livre l’avis donné au Roi sur le sujet, au début de l’année 1629. Il suggère que, pour défendre les frontières du royaume, la France protège les petits états frontaliers d’Allemagne et d’Italie et contrôle la voie d’accès à ces zones c’est à dire la route du Rhin par la Lorraine et l’Alsace et la route d’Italie par la Savoie : « Pour le dehors, il fallait avoir un dessein perpétuel d’arrêter le cours du progrès d’Espagne ; et, au lieu que cette nation avait pour but d’augmenter sa domination et étendre ses limites, la France ne devait penser qu’à se fortifier en elle-même, et bâtir et s’ouvrir des portes pour entrer dans tous les états de ses voisins, et les pouvoir garantir de l’oppression d’Espagne, quand les occasions s’en présenteraient ; que pour cet effet, la première chose qu’il fallait faire, c’était de se rendre puissant sur mer, qui donne entrée à tous les états du monde ; qu’ensuite il fallait penser à se fortifier à Metz, et s’avancer jusqu’à Strasbourg, s’il était possible, pour acquérir une entrée en Allemagne ; ce qu’il fallait faire avec beaucoup de temps, grande discrétion, et une douce et couverte conduite ; qu’il fallait faire une grande citadelle à Versoix pour se rendre considérable aux suisses, y avoir une porte ouverte, et mettre Genève en état d’être un des dehors de la France ; (…) qu’il fallait penser au marquisat de Saluces, soit par accommodement avec M. de Savoie (…) soit en profitant de la mauvaise intelligence qui était entre les sujets dudit marquisat et lui, et le reconquérant ; (…) qu’on pourrait encore penser à la Navarre et à la Franche-Comté comme nous appartenant, étant contiguës à  la France, et faciles à conquérir toutes fois et quant que nous n’aurions autre chose à faire ; mais qu’il n’en parlait point, d’autant que ce serait imprudent d’y penser si premièrement ce qui était ci-dessus n’avait réussi, parce, en outre, qu’on ne pouvait faire sans allumer une guerre ouverte avec l’Espagne, ce qu’il fallait éviter autant qu’on pourrait ». On retrouve dans ces lignes la politique des différents Rois de France depuis François Ier, l’obsession de l’encerclement comme l’écrit Michel Carmona, face à l’omniprésence de la dynastie Habsbourg. La Lombardie, la Franche-Comté et les Pays-Bas espagnols prolongent la frontière le l’Espagne jusqu’à la mer du Nord. En pratique, alors que Philippe IV et Olivares(4) essayent maintenir une voie entre Gènes, Milan et les Pays-Bas pour faire transiter leurs armées, le chemin des Espagnols, Louis XIII et Richelieu mettent tout en œuvre pour empêcher ce dessein.

(4) Gaspar de Guzman, comte d’Olivares (1587-1645), est nommé premier ministre par le roi Philippe IV d’Espagne en 1621.

 

L’intervention française en Valteline

Avant 1635, la France n’était que ponctuellement intervenue dans la guerre qui secouait l’Europe centrale mais elle le faisait systématiquement dans l’esprit de l’avis donné au Roi en janvier 1629. En juillet 1620, les Grisons catholiques de Valteline(5) s’étaient soulevés contre la majorité protestante. L’Espagne ayant profité de l’occasion pour intervenir, par l’intermédiaire du gouverneur du Milanais, la France signait une alliance avec le duché de Savoie et la république de Venise le 7 février 1623, préparant de ce fait une intervention en Valteline. En octobre 1624, Annibal d’Estrées pénètre en territoire grison et chasse les impériaux de la région. De son côté Charles-Emmanuel de Savoie(6) sollicite l’aide militaire de la France pour attaquer Gênes, alliée de l’Espagne. Richelieu ne se fait pas prier : il envoie le connétable de Lesdiguières qui débouche devant Turin le 1er février 1625 avant de se présenter sous les murs d’Asti un mois plus tard. Après la prise de plusieurs villes, Lesdiguières, temporisant, échoue devant Gênes. Alors qu’une armée impériale se prépare à intervenir en Valteline, les Espagnols du duc de Feria se portent au secours de Gènes puis assiègent Verrua où se sont retranchés Français et Savoyards. Le siège sera levé en novembre 1625 et Lesdiguières ramènera ses troupes en Dauphiné. Une trêve est signée le 5 février 1626 entre Louis XIII et l’Espagne, qui débouche sur le Traité de Monçon du 5 mars 1626. La Valteline est rendue au pape.

(5) Le canton des Grisons est aujourd’hui le canton suisse situé le plus à l’Est, entre l’Autriche et l’Italie. La Valteline est aujourd’hui une région d’Italie du Nord, voisine de la Suisse, située sur la rivière Adda, à l’est du lac de Côme.

(6) Charles-Emmanuel Ier (1562-1630), duc de Savoie et prince de Piémont. La Savoie forme alors un duché indépendant, son père Emmanuel-Philibert (1528-1580) en ayant restauré ses états, au détriment de la France, à partir de 1557.

 

La guerre de Mantoue

En 1627 meurt Vincent de Gonzague, duc de Mantoue. Il ne laisse d’autre héritier plus direct que Charles de Gonzague, duc de Nevers. Ses possessions, le duché de Mantoue et le marquisat de Montferrat, sont tous deux fiefs d’Empire : Ferdinand II, à la demande de l’Espagne et de la Savoie, prend l’héritage sous tutelle. L’année suivante, Charles-Emmanuel de Savoie occupe le Montferrat alors que les Espagnols mettent le siège devant Casal où s’est réfugié Charles de Mantoue. Pourtant, la France tarde à prendre position : Marie de Médicis s’oppose à une telle intervention et le siège de la Rochelle, puis les troubles du Languedoc, mobilisent les attentions. Mais l’Avis au Roi du 13 janvier 1629, rédigé par Richelieu, réaffirme ce principe qui l’obsède : il est temps d’arrêter le cours du progrès d’Espagne. Louis XIII approuve. La Rochelle prise, les deux hommes prennent la tête de l’armée, passent les Alpes au Mont-Genèvre, et prennent Suse le 6 mars.

Après avoir envoyé une armée dans les Grisons, le 5 juin 1629, l’empereur Ferdinand II somme les français d’évacuer ses possessions italiennes. En septembre, il envoie une armée vers Mantoue, commandée par Collalto, pendant que l’Espagne envoie le célèbre Spinola assiéger Casal. Richelieu part avec le maréchal de La Force, le 29 décembre 1629 pour Suse. Il repousse Charles-Emmanuel de Savoie et prend Pignerol le 21 mars 1630. De son côté, le  Roi engage la conquête de la Savoie : Chambéry lui ouvre ses portes le 17 mai et le prince Thomas, second fils du duc de Savoie, est battu le 6 juillet 1630 au combat de Séez. La prise de Montmélian, le 19 juillet 1630, mettra fin à cette campagne. C’est alors qu’arrivent les mauvaises nouvelles : la veille, Collalto emportait Mantoue, faisant Charles de Gonzague prisonnier, et Spinola prenait Casal, quelques semaines plus tôt. Qui plus est, les cabales de la Reine-mère et les ravages de la dysenterie mobilisent toute l’attention de Richelieu au détriment des opérations militaires.

Plusieurs évènements vont pourtant faire pencher peu à peu la balance du côté français. Le duc de Savoie décède le 26 juillet d’une apoplexie. Son successeur, Victor Amédée Ier, beau-frère de Louis XIII, est plus favorable à la France. Le duc de Montmorency, parti secourir Casal, prend Carignan le 6 août 1630 mais l’armée française, diminuée par les ravages de la peste, ne pousse pas jusqu’à Turin et Casal. Spinola meurt brusquement le 23 septembre 1630 alors que l’armée française se remet peu à peu de l’épidémie. Enfin, le 13 octobre, une médiation du pape Urbain VIII, menée par Jules Mazarin, le futur cardinal, débouche sur un accord de principe pour le règlement général des conflits dans lesquels la France est intéressée. Schomberg, envoyé par Louis XIII en Piémont, dégage la route de Suse à Turin et débouche le 26 octobre devant Casal, face aux troupes espagnoles. C’est alors que Jules Mazarin surgit entre les deux armées, criant « La paix ! la paix !» Ayant pris connaissance des nouvelles propositions espagnoles, le maréchal de La Force accepte de conclure un accord. Le traité de Cherasco, signé le 26 avril 1631, mettra fin au conflit. Charles de Gonzague, duc de Nevers, peut maintenant prendre possession du duché de Mantoue et du marquisat de Montferrat.

Avec son style inimitable, l’historien Jules Michelet résumait ainsi cette intervention difficile : « Louis XIII allait lancer la foudre… Le foudre était de bois. Il y manquait les ailes dont  l’antiquité a soin de décorer celui de Jupiter. Ces ailes aujourd’hui, c’est l’argent. Le déficit énorme, accusé en 1626, l’aggravation d’emprunts faits pour le siège de la Rochelle, semblaient rendre impossible le secours d’Italie ». Pourtant, la fermeté de Richelieu et Louis XIII aura permis une résolution positive du conflit.

La France entre en guerre

Au début de l’année 1633, Richelieu pousse Louis XIII à financer la guerre en Allemagne et en Hollande, craignant que « si la paix se faisait en Allemagne et la trêve en Hollande, ou l’une des deux seulement, la France aurait à supporter seule une guerre défensive, qu’on lui apporterait jusque dans ses entrailles, sans qu’elle la pu éviter (…) » Effectivement, depuis quelques années, les évènements se bousculent aux frontières du Royaume. À l’Est, le duc Charles IV de Lorraine accueille régulièrement, depuis 1629, les ennemis de Richelieu et Louis XIII, tout en prenant part à la guerre aux côtés de Tilly contre les Suédois. Charles IV ayant autorisé l’occupation de forteresses située sur la route de Nancy à Strasbourg par des troupes impériales, Louis XIII mène fin 1631 l’armée sur place et impose, le 6 janvier 1632, un traité au duc de Lorraine. Celui-ci reprend pourtant rapidement son alliance active avec Ferdinand II, entraînant d’autres interventions françaises au cours des années 1632 et 1633. Charles IV finit par capituler le 20 septembre 1633 et les Français entrent à Nancy. Le 19 janvier 1634, le duc Charles IV abdique, laissant le pouvoir à son frère.

De son côté l’Alsace était occupée depuis août 1632 par les suédois de Horn. Les cités Alsaciennes, lasses des déprédations, demandent alors l’aide de Louis XIII. Une convention négociée le 9 octobre 1634 entre Français et Suédois, suivie par un traité, autorise la France à occuper la région. Alors que les maréchaux Brézé et de La Force y affrontent les Impériaux, le Prince Thomas de Savoie, à la tête d’une armée espagnole, envahit l’Electorat de Trèves en mars 1635, faisant prisonnier l’Archevêque Electeur, protégé de Louis XIII. Les dés sont jetés. Le 8 février 1635, Richelieu, sentant la guerre inévitable, avait renforcé son alliance avec les Provinces Unies. Le traité stipule que « le Roy fera entrer dans les provinces que le Roy d’Espagne tient aux Pays-Bas une armée de vingt-cinq mil hommes de pied et cinq mil chevaux, et les Sieurs des États feront la même chose avec une  armée de vingt-cinq mil hommes de pied et cinq mil chevaux aussi ». Puis Richelieu renforce son alliance avec la Suède, le 28 avril, et déclare la guerre à l’Espagne, le 19 mai. Cette entrée en guerre est suivie d’une première victoire française à Avins, en Wallonie, le lendemain même.

Politique de Richelieu

Il peut paraître étonnant que la France, pays de confession majoritairement catholique, soit entrée en guerre aux côtés des États protestants. Pourtant, Richelieu, devenu chef du conseil du roi le 13 août 1624, saura toujours privilégier les intérêts de l’État sur ceux de l’Église. Ainsi il affirme dès 1617 son soutien aux édits de tolérance accordés aux protestants : « Autres sont les intérêts d’État qui lient les princes, et autres les intérêts du salut de nos âmes, qui, nous obligeant pour nous-mêmes à vivre et mourir en l’Église en laquelle nous sommes nés, ne nous astreignent au respect d’autrui qu’à les désirer, mais non pas à les y amener par la force et la contrainte ». Dans un mémoire de mai 1625 destiné au roi, il écrit en ce sens : « Pour bien juger quelle résolution le roi doit prendre, il faut voir et considérer mûrement quelle est la face des affaires présentes en toute la chrétienté. Il semble que toutes choses conspirent maintenant à rabattre l’orgueil de l’Espagne ».

L’affaire de Valteline est emblématique de la politique que Richelieu s’emploie fermement à suivre. Fin novembre 1624, Madrid n’a pas respecté son engagement d’évacuer le pays. « Les ruses et la mauvaise volonté de l’Espagne en cette affaire étaient manifeste » écrira Richelieu dans ses Mémoires. Pendant que le marquis de Coeuvres reprend différents forts de la vallée occupés par les troupes espagnoles et pontificales, Richelieu répond aux envoyés du Pape que les Grisons sont les suzerains légitimes de Valteline et que la France veillera à ce que leurs sujets catholiques n’y soient plus opprimés. La religion n’entrave pas les desseins du cardinal qui va jusqu’à invoquer, face à l’influence de la maison d’Autriche, « le contrepoids de la puissance de France qui donne la liberté à la chrétienté ». Comme il expliquera plus tard, au sujet du siège de la Rochelle en 1628, « cette guerre était un fait d’État et non de religion ». La Valteline « libérée », Richelieu s’emploiera ensuite à réduire les autres points stratégiques du chemin des Espagnols qui relie l’Italie aux Pays-Bas : alliance avec les Provinces-Unies, confirmation des traités avec Venise, alliance avec le duc de Savoie et siège de Gènes. À partir de 1627, il s’attachera à remettre la marine française en son ancienne splendeur, projet motivé en considération de l’Espagne, redoutable par sa puissance sur mer.

Persuadé que l’Espagne a pour objectif d’augmenter sa domination et étendre ses limites aux dépends de la France, Richelieu affiche clairement sa volonté d’arrêter le cours de son progrès. Début 1632, il dit au Roi que « pour se résoudre promptement, il fallait considérer qu’en l’état présent des affaires d’Allemagne, elle ne pouvait agir qu’en l’une de ces quatre manières :

1° ou se joindre avec le Roi de Suède pour faire la guerre ouvertement  à la maison d’Autriche ;

2° ou s’accommoder avec l’empereur et l’Espagne pour faire conjointement la guerre au roi de Suède et aux princes protestants ;

3° ou essayer de faire accepter la neutralité aux trois électeurs catholiques ès termes qu’elle était proposée par le roi de Suède, s’il ne voulait consentir à d’autres meilleurs, et le laisser continuer la guerre en Allemagne sans s’en mêler, mais seulement tenir quelques troupes sur la frontière pour s’en servir en tout événement ;

4° ou bien, ladite neutralité, se rendre en outre maître de l’Alsace, de Brisach et des passages du Rhin qu’y tenaient les électeurs catholiques, et avoir là une armée pour s’en servir aux occasions (…) ».

Mais Richelieu repoussait la seconde manière, craignant « le peu d’assurance que l’on devait prendre des Espagnols » et « le danger de laisser tellement  accroître la maison d’Autriche ». De son côté, Louis XIII ne se résout ni au premier, ni au second scénario. Ne souhaitant pas la guerre, il cherche tout autant à éviter la rupture avec le roi de Suède qu’avec la maison d’Autriche. Il opte donc pour la neutralité.

Quoiqu’il en soit le roi et son ministre, occupés par les rébellions intérieures, ne pouvaient intervenir plus tôt contre les Impériaux. Richelieu écrit ainsi au Roi, en 1625, que « tant que les huguenots auront le pied en France, le roi ne sera jamais le maître au dedans, ni ne pourra entreprendre aucune action glorieuse au dehors ». Il faudra attendre le mois de mai 1635 pour que la guerre soit effectivement déclarée.

Richelieu justifiera ainsi l’intervention de la France au début de l’année 1635 : « Après avoir longtemps lutté contre la guerre, à laquelle l’ambition d’Espagne nous voulait obliger depuis quelques années, ou sa mauvaise volonté contre cet état, lequel, comme une forte montagne qui resserre le cours d’un torrent impétueux, empêche que leur monarchie n’inonde toute l’Europe ; après avoir été longtemps occupé à nous parer de leurs embûches et entreprises continuelles contre ce royaume, et y avoir, avec une particulière bénédiction de Dieu, remédié heureusement par une vigilance infatigable (…) ; enfin cette année, il nous est impossible de reculer davantage, et sommes contraints d’entrer en guerre ouverte avec eux, guerre que nous leur déclarons, mais que nous ne leur faisons pas les premiers, vu que c’est eux qui nous attaquent et qui nous y forcent par tant d’hostilités, tant d’injures réelles, tant de préparatifs qu’ils font de longue main pour nous opprimer tout à coup, que nous sommes contraints pour nous défendre de leur déclarer que nous ne voulons plus souffrir la guerre couverte qu’ils nous font, et qu’ils déguisent devant le monde du nom trompeur de paix, laquelle à bien prendre n’a point été commencée de leur part entre nous, depuis la fin que le traité de Vervins imposa à la dernière rupture qui était entre Henri IV et eux. »

Le Roi et son ministre

Quant à Louis XIII, ses desseins apparaissent clairement dans cette lettre du 13 août 1624 : « Cela serait peu, si je n’avais résolu d’établir un tel ordre en mes affaires que mon royaume viendra à reprendre sa première splendeur, et, puissant, empêchera les desseins que plusieurs conçoivent contre la liberté publique, moi étant porté à défendre les anciens alliés de ma couronne, et à m’unir avec eux pour le bien de la chrétienté ». Il soutien son ministre sans réserve et le lui confirmera à plusieurs reprises, comme dans cette lettre du 9 juin 1626 : « J’ai toute confiance en vous, et il est vrai que je n’ai jamais trouvé personne qui ne servit à mon gré comme vous. (…) Assurez-vous que je ne changerai jamais, et que, quiconque vous attaquera, vous m’aurez pour second ». Sa soif de gloire en est probablement sa principale motivation. À la mort du Cardinal, il affirme encore vouloir « maintenir les principes et les buts du susdit Cardinal, voulant que toutes les choses restent en l’état sans modification ». Une circulaire du 5 décembre 1642 confirmera ces lignes, en ordonnant  que les projets arrêtés avec Richelieu pour les affaires du dehors et du dedans du Royaume soient suivis sans aucun changement.

Pourtant, l’entourage du roi était majoritairement hostile à cette politique, la Reine-Mère et son frère Gaston en premier chef. Cette hostilité mènera à la journée des dupes, le 12 novembre 1630, lorsque le Roi demandera à son ministre de rester, et à la fuite de la Reine-Mère, le 19 juillet 1631. Marie de Médicis représente le parti Espagnol et l’unité chrétienne face à l’indépendance ou égoïsme national de Richelieu et Louis XIII. Mère d’Elisabeth, reine d’Espagne, de Christine, duchesse de Savoie et d’Henriette Marie reine d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, elle est l’un des personnages-clés du parti chrétien. Michelet insiste à juste raison sur l’énergie que devra déployer Richelieu pour lutter contre les manigances de la Reine-Mère, au détriment de sa politique. Le ministre écrira d’ailleurs  au roi, fin 1630 : « Je me suis perdu chez la reine pour n’avoir pu défaire les cabales à leur naissance ». Mais Louis XIII restera ferme, allant jusqu’à déclarer lors de l’exil de Marie : « Vous avez entendu comme la Reine ma mère était sortie du royaume pour aller trouver mon frère et se mettre tous deux entre les mains des Espagnols ; mais je ne les crains pas et empêcherai bien qu’ils me fassent du mal. Ils disent que Monsieur le cardinal veut chasser la Maison royale ; cela est faux, je me suis toujours bien trouvé de ses conseils ». Et dans une lettre de juillet 1631 à son frère Gaston, le roi réaffirmera : « Je sais les qualités et la portée de ceux dont je me sers, et Dieu m’a fait grâce de savoir mieux mes affaires que tout ceux qui se veulent mêler d’en discourir mal à propos ». On ne peut qu’admirer la fermeté du couple contre l’adversité. Jules Michelet saluera d’ailleurs la gloire de roi, l’honneur de la couronne et l’honneur de la France qui se confondaient dans l’esprit de Louis XIII, et dont Richelieu saura admirablement tirer parti.

Stéphane Thion

Bibliographie sommaire :

Richelieu de Michel Carmona, Fayard, 1983 ;

Mémoires du cardinal de Richelieu, dans Nouvelle collection des Mémoires pour servir l’Histoire de France, 1837 ;

La guerre de Trente ans d’Henri Bogdan, Perrin, 1997 ;

Les armées de la guerre de Trente Ans de Stéphane Thion, LRT Éditions, 2008 ;

L’armée du duc de Lorraine en 1627 d’après le Mercure Français par Stéphane Thion

L’armée du duc de Lorraine en 1627 d’après le Mercure Français par Stéphane Thion

Voici l’armée du duc de Lorraine en 1627 d’après le Mercure Français :

L’armée lorraine est organisée sur le modèle allemand, avec des régiments de cavalerie à 500 maîtres et des régiments d’infanterie à 2000 hommes. Les effectifs entre parenthèses sont bien sûr théoriques !

– Compagnie du duc de Lorraine (100 chevaux / horses)

– Compagnie des Gardes ordinaires du duc de Lorraine (200 chevaux)

– Compagnie des Gardes de Madame le duchesse (100 chevaux)

– Compagnie des Gardes de madame Claude (100 chevaux)

– Régiment de cavalerie du marquis de Mouy (500 chevaux)

– Régiment d’infanterie de Mouy (6 000 hommes)

– Régiment de cavalerie de Fontaines, Maître de camp général (500 chevaux)

– Régiment de cavalerie d’Araucourt, commandant des étrangers (500 chevaux)

– Régiment de cavalerie de Siray (500 chevaux)

– Régiment de cavalerie de Gatinais (500 chevaux)

– Régiment de cavalerie française de Vault de Poully (500 chevaux)

– Régiment de cavalerie de Tricheteau (500 chevaux)

– Régiment de cavalerie de Bern (500 chevaux)

– Régiment de cavalerie d’Endurny (500 chevaux)

– Régiment d’infanterie du prince François, évêque de Verdun (2000 hommes)

– Régiment de Florinville (2000 hommes)

– Régiment de Couvonge le jeune (2000 hommes)

– Régiment de Tantonville (2000 hommes)

– Régiment de Bonnecourt (2000 hommes)

– Régiment du baron de Flechreny (2000 hommes)

– Régiment allemand de Morhange (2000 hommes)

– Régiment allemand de Flechteny (2000 hommes).

Grand étendard de l’union Lorraine ou étendard Charles IV.

 

Relation de la bataille de Lens, le 20 août 1648, par un officier de Condé, déchiffrée par Stéphane Thion

Relation de la bataille de Lens, le 20 août 1648, par un officier de Condé, déchiffrée par Stéphane Thion

Manuscrit MS933 conservé au château de Chantilly,

« Après que Mr le prince de Condé eut pris Ypres, il ramena son armée auprès de Béthune où il campa. Entre Lillers et cette place il manda à monsieur d’Erlach de le venir joindre en ce point pour réparer par la jonction de ses troupes la grande perte de sa cavalerie partie (…) qui avait été fort incommodée en détail durant le siège d’Ypres aux convois et aux partis de fourrageurs.

  1. l’archiduc Léopold cependant avait pris Courtrai, (ensuite ?) marchait à Lillers : un de nos partis prit une compagnie de cravattes (ndt : croates) à la guerre avec le capitaine qui la commandait qui était en garnison à Gère (?) ; monsieur le prince généreusement le renvoya à l’archiduc par son trompette du corps et le chargea de faire qualité à Mr le dit seigneur. Il fit son présent et son compliment dans le temps que le général Beck était à la tente de l’archiduc. Mais ce prince reçut cette (honnêteté ?) avec une arrogance stupide et répondit de si plates choses qu’on a honte de répéter ce que le trompette rapporta, et Beck pour renchérir sur l’impolitesse du prince dit de si sottes choses (qu’on a fait connaître) le caractère d’un très mal gentilhomme tel qu’il était, traitant Mr le prince de Condé de jeune levraut qu’il menaçait de mener par les oreilles à Luxembourg. Le trompette lui répartit à peu près du même style, on le menaça de prison et enfin on le congédia très mal satisfait. Celui qui nous fait cette relation était dans la suite de Mr le prince qui en attendant le retour de son trompette faisait lire Dante en italien et interprétait à quelques assistants un mot que plusieurs n’entendaient point, qui est « Vespaio », qui signifie un essaim de mouches guêpes (ndt : un guêpier) ; quand Mr de la Moussaye apporta la gazette de Bruxelles, dans laquelle, les ennemis enflés du fruit de la prise d’Ypres avait mis une assez plate raillerie, disant que son altesse impériale cherchait partout l’armée du prince de Condé et qu’il donnerait le vin à qui la pourrait trouver et lui en donner des nouvelles ; comme Mr le prince tournait l’affaire en raillerie, le trompette arriva qui fit la relation de son ambassade si chaudement que son maître, qui est de tous les héros de son siècle celui qui est le plus sensible à la gloire, changea de ton et jura qu’il lui épargnerait la peine de la chercher si il était assez hardi pour quitter le pais couvert où il avait mené son armée.

Laquelle arrivait en ce temps à Estaires.

Il y avait un château sur la Lys où nous avions quarante ou cinquante hommes en garnison. L’archiduc le prit la nuit même et de là couvert toujours de la rivière il marcha à Lens.

Lens est hors des marais de Ouatrigans (ndt : Watergangs ou Watregans) que fait cette rivière. Il est dans la plaine qui va à Arras un petit ruisseau qui naît auprès de cette place et fut occupé par l’armée espagnole qui y campa sur le haut du rideau de Lens et posta son canon dans deux petits taillis qui font parti du rideau.

Et tous braves qu’ils sont les espagnols dans leur gazette, ils se retranchèrent pourtant sans faire réflexion qu’ils avaient bien trente cinq mille hommes. Le prince de Condé entendant les coups de canon qui se tiraient au (sud ?) de Lens se réjouit de voir ses ennemis en une plaine et sur l’heure même commande à Mr de Châtillon de charger un corps de garde qu’ils avaient mis sur le bout d’un pont qu’ils avaient défait. Il fit rapporter des planches et chargea avec la garde qu’il y trouva et ses gardes si brusquement à qui s’opposa à lui que les ennemis abandonnèrent le passage de (…) à leur armée qui n’était qu’à deux lieues de là.

Mr le prince passa la Lys et laissa les bagages sous Béthune ; jamais je n’ai vu passer avec tant d’impétuosité, à une heure devant le jour nous arrivâmes au bord des défilés. (Voyez ?) si la gaieté était bien naturelle à ce grand prince durant qu’on faisait avancer l’artillerie.

Celui qui vous (conte) ceci se trouva dans un verger d’arbres fruitiers sur le bord duquel était notre héros qui voyait défiler les pièces de canon qui s’élargissaient à mesure qu’elles passaient. Celui donc qu’il nous a plu de (…) gazetier coupa une gaule dont il fit un martinet à jeter des pommes et commença à escarmoucher contre le marquis de Normanville ; monsieur le prince prit plaisir à ce divertissement il en prit une pareille.

Et voilà une plaisante façon de préluder à une bataille où chacun avec des grandes visées s’employa jusque à ce que Mr de Cossé passa avec la dernière pièce de l’artillerie qu’il commandait.

Là, Monsieur d’Erlach vint saluer Mr le prince à qui il amenait environ huit mille bons hommes (ndt : en fait il en amena moins de quatre mille). Le jour étant déjà grand, les généraux des ennemis vinrent avec douze cent chevaux reconnaître si c’était toute notre armée ou une partie qui fut en deçà de la rivière ; son altesse pour leur ôter bien du doute faisait marcher son artillerie à la première ligne, ils la virent clairement et s’en retournèrent à leurs retranchements, en nous laissant toute la plaine libre.

Son altesse en marchant fit trois lignes de ses troupes qui faisaient tout au plus vingt mille hommes et tout au moins dix huit ; il mit à la première les gardes, Picardie et les régiments de l’armée d’Erlach et pour cavalerie tous les gendarmes tant du Roy que des princes et toutes les compagnies de gardes des généraux ; la seconde ligne était en pareille disposition et notre cavalerie légère commandée par Guiche ( ?), monsieur d’Erlach demeura pour troisième ligne et corps de réserve ; Mr de Cossé menait une bande d’artillerie. A la première ligne il les faisait marcher aussi vite que les troupes ; nous allâmes en cet équipage montrer notre armée à Mr l’archiduc qui était bien couvert de ses lignes devant lesquelles nous nous arrêtâmes à un jet de pierre près, et y demeurâmes tout le jour, les officiers d’infanterie de la première ligne jouant et sautant au « saut de l’allemand » toute la journée sans (être) autrement alarmé.

Il est à remarquer que Mr le prince avait tant parlé des troupes d’Allemagne lesquelles ne tiraient jamais les premiers et obligeaient leurs ennemis à faire leur décharge puis à fuir devant eux que chaque officier s’était mis cela en tête, et bien que cela ne fut dit qu’à l’égard de la cavalerie, néanmoins l’infanterie s’y fit presque partout un point d’honneur de ne point tirer.

La nuit vint et l’armée qui n’avait point repu ne pouvant pas rester à jeun jusqu’au lendemain de combattre, particulièrement les chevaux. Mr le prince résolut quand le jour serait venu de se retirer en un village nommé Loo auquel touchait notre arrière garde afin de repaître et dit tout haut qu’en quelque temps que l’archiduc marchait, qu’il le combattrait assurément et ainsi il se mêla à l’affaire publiquement quoique pique qui contribua particulièrement au grand fait d’arme du jour suivant.

La nuit les ennemis firent sortir de leur retranchement le régiment des cravattes (ndla : croates) mais ils furent bien étonnés quand ils (s’instruirent ?) qu’ils (heurtaient ?) contre notre artillerie, ils s’en retournèrent bien vite.

Le jour vint, et pour montrer aux ennemis qu’on ne (sortirait ?) pas en (cachette ?), son altesse attendit que le soleil fût levé, et lors il leur fit faire une salve de six pièces de monsieur de Cossé, et puis marcha sans rompre son ordre de bataille mais faisant seulement à droite les compagnies de gendarmes et de chevau-légers et celles des gardes des généraux faisant la retraite au même ordre qu’ils devaient faire l’avant-garde.

Les troupes lorraines de l’armée d’Espagne avec quelques autres escadrons voyant le petit nombre des compagnies (franchies ou franches ?) tombèrent avec toute leur aile de cavalerie sur leurs bras, les rompirent facilement et les pressèrent de si près qu’ils ne purent se rallier qu’à l’appui du régiment de Picardie qui avait l’aile droite de la première ligne.

Cet heureux commencement fit crier victoire aux lorrains. Beck qui crut prendre un temps précieux amena l’archiduc hors des lignes et fit voir notre infanterie dépouillée de cavalerie au milieu d’une des plus grandes plaines du monde ; l’archiduc dit qu’il avait ordre expresse de ne rien hasarder. Beck insista et dit qu’il n’y avait plus de hasard et il offre de répondre de sa tête leur (serment ?) de la bataille ; les espagnols sur cela lui reprochant qu’il laissait perdre une occasion de remettre leurs affaires et de repenser les (souvenirs ?) de Rocroy, sautaient le retranchement, mettaient leurs régiments en bataille et accouraient à nous.

Voici ce coup de maître que fit notre héros, ce qu’il ne nous ai fait entendre par la comparaison du jeu d’escrime ou ne nous ai dit que durant que le moins docte bat du pied sans se débander le savant prend un temps et loge sa botte à plaisir.

Il ne fit donc autre chose sinon qu’il remplit la place des battus par la cavalerie qui était rangée à la seconde ligne pour la soutenir. Et il ne fit que faire à gauche, en remarchant droit aux ennemis, lesquels étaient bien en bataille chacun en particulier mais n’étaient point en ordre de bataille mais en colonne pour s’y mettre.

Là le régiment des gardes pour avoir fait sa salve le premier fut taillé en pièces, et le régiment de Picardie qui ne voulut point tirer défit sept régiments entre lesquels était celui qui avait tué le régiment des gardes ; les régiments qu’avait amené Erlach qui étaient Nettancourt, Vaubecourt et autres ne tirèrent non plus que Picardie.

Notre cavalerie eut fort à souffrir car les ennemis avaient toujours trois escadrons contre un, mais à mesure qu’ils étaient rompus ils se venaient toujours rallier derrière Picardie ; (ndt : figurent ici trois noms d’officiers non identifiés) après avoir vingt fois chargé et défait les corps qu’ils combattirent y vinrent s’y rafraîchir et Streif y vint mourir.

Votre gazetier y retrouva Mr le maréchal d’Aumont que les espagnols emmenaient prisonnier après avoir (…) à le tuer de sang froid d’un coup de pistolet dans son ordre, lui étant prisonnier.

L’histoire vous dira le reste car les écrits se sont perdus depuis si longtemps il suffit de vous dire que nous prîmes plus de (six ?) milles prisonniers et ne tuâmes pas cent (…) hommes toute leur cavalerie s’y sauva. Beck fut blessé et pris par un lieutenant du régiment d’Aumont, Mr d’Arnault lui voulut reprocher quelque chose touchant la mort de monsieur de Feuquières, Beck lui répondit fort brutalement. On l’emmena prisonnier à Arras où il mourut aussi brutalement qu’il avait vécu ; Mr le prince bien loin de se venger de lui, lui prêta son carrosse pour l’emmener.

Par la relation d’un révérend père jésuite de la bande (…) qui suivaient Mr l’archiduc on apprit qu’aussitôt qu’il eut donné aux importunités des généraux et des (trois ?) espagnols la permission de gagner la bataille, il se fit armer, confesser, et s’enfuit.

Les armées franc-comtoise et française au siège de Dôle en mai 1636 par Stéphane Thion

Les armées franc-comtoise et française au siège de Dôle en mai 1636 par Stéphane Thion

L’armée franc-comtoise au siège de Dôle (Mai 1636)

« Quant à la force d’hommes, le régiment de la Verne avait 5 compagnies à Dôle avec le chef de l’état-major, 5 à Gray sous les ordres du lieutenant au gouvernement de la place, 4 à Salins sous le sergent-major, et 1 à Bletterans commandée par son capitaine. On y fit rejoindre cette dernière à Dôle, où se trouvèrent à ce moyen avec la colonelle de ce régiment 5 autres compagnies sous les capitaines de Grandmont Vellechereux, baron de Châtillon, Perrin, Georget et des Gaudières, tous officiers pratiques dressés en l’Académie des Pays-Bas. L’imminent péril fut déclaré et proclamé partout, avec la levée de la milice ordinaire qui portait 5000 fantassins effectifs et fort bien armés, en 25 compagnies réparties en 3 régiments des baillages d’Amont, d’Aval, et de Dôle. Le premier sous le sieur d’Andelot Chevigney, le second sous le seigneur de Poitiers, et le dernier sous le sieur de Cleron Voisey. On résolut de faire 4 autres régiments de surcroit de chacun 1000 hommes de pied en 10 compagnies, et furent choisis pour colonels le marquis de Varembon, le baron de Scey, le prince de Cantecroix et le baron de Vuiltz ; auxquels on adjoignit le baron d’Aubespin pour commander autres 500 qu’il s’offrit de lever et armer en diligence.

L’argent fut aussitôt fourni pour avance des levées, et encore au colonel de la Verne pour la recrue de son régiment, à l’effet de le rendre complet de 3000 hommes. On fit encore entrer à Dôle 5 compagnies des élus de la province commandées par les capitaines d’Esuans, de Mont Saint-Ligier, de Chassagne, et de Legnia, et par le sieur de Goux Alferez de la colonelle du régiment de Dôle.

Pour cavalerie par dessus les 2 compagnies du marquis de Conflans et du sieur de Mandre qui furent accrues chacune jusqu’à 100 chevaux légers, on avisa de tirer deniers des communautés qui devaient fournir des cuirassiers et arquebusiers à cheval avec leurs élus, et pareillement des vassaux étrangers ou naturels du pays qui voulurent se décharger de comparaitre à l’arrière-ban, afin d’en former de nouvelles compagnies dont le service ne fut point limité à 6 semaines, comme est celui de la milice et de l’arrière-ban par leur établissement, ainsi étendu à autant de temps que le besoin de la province le requerrait. De cet argent furent faites les avances pour lever autres 7 compagnies ; 3 de chacune 100 cuirasses sous le commandement des sieurs de Scey, de Thouraise et marquis de Varambon, celui-ci baillis de Dôle, et les 2 autres tenants la place des baillis d’Amont et d’Aval ; et 4 de 50 partie chevaux légers, partie arquebusiers à cheval sous les capitaines de Voisez, de Beaujeu, de Moutonne, et du Prel, sans en arrêter aucun dans la ville de Dôle à raison de la disette du fourrage.

Les villes de Gray et de Salins furent munies par la jonction de quelques compagnies d(élus à celles du régiment de la Verne ; on en fit pareillement entrer à Bletterans ; les petites villes et forteresses des vassaux furent confiées à la vigilance des bourgeois, des seigneurs et des villageois, qui les doivent garder, et y prendre leur retraite avec leurs provisions et armes en saison de guerre ouverte ou imminente. Tout le surplus de la gendarmerie fut destiné à tenir la campagne et courir où les occasions le demanderaient, et afin que les forces fussent aussi grandes que le pays les pourrait contribuer, fut publié et envoyé partout un édit qui portait ordonnance à tous dès l’âge de 15 à 60 ans qui avaient porté les armes auparavant, de les reprendre, et se munitionner et armer suffisamment pour rendre service, et à tous procureurs d’office d’en tenir note et dresser rôles qu’ils adresseraient en diligence aux procureurs fiscaux des ressorts plus voisins, et eux au procureur général en cas ils pussent entrer à Dôle, sinon au conseiller de Champuans dans la ville de Gray. (…)

On permettait à tous ceux qui voudraient lever à leurs frais, soit de gens de pied ou de cheval, tant de leur voisinage qu’autres, de le faire promptement et mener leurs troupes et brigades aux quartiers plus prochains des colonels d’infanterie et des capitaines de cavalerie déjà établis, sans diminution des autres levées qu’ils avaient commencées, avec ordonnance très-expresse aux colonels et capitaines de se rendre aux endroits qui leur seraient désignés par le marquis, et faire passer à la file auprès de lui ce qu’il auraient avancé de leurs régiments et compagnies. »

(Source : Le siège de la ville de Dôle, capitale de la Franche-comté de Bourgogne, et son heureuse délivrance, Dôle 1637)

Dans Dôle,

Infanterie (11 000 hommes) :

  • Régiment de la Vergne, 6 compagnies de 200 hommes (compagnies colonelle, Grandmont Vellechereux, baron de Châtillon, Perrin, Georget et des Gaudières) ; les autres compagnies du régiment sont à Gray (5) et Salins (4) ;
  • Régiments de milice d’Amont, d’Aval et de Dôle, soit 5000 hommes en 25 compagnies, commandés par le sieur d’Andelot Chevigney, le seigneur de Poitiers, et le sieur de Cleron Voisey ;
  • Régiment de Varembon (marquis de Varembon ou Varambon) : 10 compagnies de 100 hommes ;
  • Régiment de Scey (baron de Scey) : 10 compagnies de 100 hommes ;
  • Régiment de Cantecroix (prince de Cantecroix) : 10 compagnies de 100 hommes ;
  • Régiment de Vuiltz (baron de Vuiltz) : 10 compagnies de 100 hommes ;
  • Régiment d’Aubespin (baron d’Aubespin) : 5 compagnies de 100 hommes ;
  • 5 compagnies des élus de la province (commandées par les capitaines d’Esuans, de Mont Saint-Ligier, de Chassagne, de Legnia, et par le sieur de Goux Alferez de la colonelle du régiment de Dôle).

Cavalerie (700 chevaux) :

  • Compagnie de chevaux légers du marquis de Conflans (100 chevaux) ;
  • Compagnie de chevaux légers de Mandre (100 chevaux) ;
  • Compagnie de cuirasses de Scey (100 chevaux) ;
  • Compagnie de cuirasses de Thouraize (100 chevaux) ;
  • Compagnie de cuirasses du marquis de Varambon (100 cuirasses) ;
  • Compagnie de chevaux légers et arquebusiers de Voisez (50 chevaux) ;
  • Compagnie de chevaux légers et arquebusiers de Beaujeu (50 chevaux) ;
  • Compagnie de chevaux légers et arquebusiers de Moutonne (50 chevaux) ;
  • Compagnie de chevaux légers et arquebusiers du Prel (50 chevaux).

L’armée française au siège de Dôle (Mai 1636)

« Ainsi tout se préparait à la guerre tant par mer que par terre, nos généraux sont commandés de s’en aller à leurs armées. Monsieur le comte de Soissons assembla son armée en Champagne. Le duc de Weimar qui avait passé partie de l’hivers à Paris, en parti le 25 mai, et s’en alla en son quartier de Vezelice en Lorraine, où était son armée. Le cardinal de la Valette partit la semaine précédente pour la sienne, qui était aux environs de Toul. Celle du prince de Condé était sur la frontière de la Franche-Comté où la guerre fut résolue à l’Espagnol. Et quoi que cette comté soit en la protection des suisses par traité fait du vivant du feu roi Henri IV le grand d’heureuse mémoire, et qu’elle ne doive être assaillie des français, néanmoins le roi eut plusieurs justes raisons de se ressentir des infractions faites par les comtois audit traité, comme d’avoir donné retraite à ses ennemis, fourni de vivres et munitions aux armées impériales et lorraines, en quoi ils avaient assez rompu la neutralité. (…)

Donc pour venger telles injustes procédures et actes d’hostilité, le roi choisit le prince de Condé pour commander l’armée destinées en Franche-Comté. Il se rend en Bourgogne, y lève des troupes, fait provision de  toutes sortes de munitions de guerre et de vivres ; avec lui fut envoyé le marquis de la Meilleraye grand maître de l’artillerie, et pour maréchaux de camp de l’armée étaient le marquis de Coaslin, le marquis de Villeroy, le colonel Ranzau et le sieur Lambert ; outre ceux-ci s’y rendirent le colonel Gassion, le baron de la Tour du Bosse, le marquis de Breauré, le comte de Chabanes, le sieur d’Aubigny, le sieur d’Espenan, les sieurs d’Auradour, de Courselles, de Gerzé, de Chalousset, de Crevan, de Maululet, de Bacalam, de l’Isle, de la Fresnaye, de Fontenay, de Muz, de Brissailles, de la Renouilliere, de Blanquefort, de la Plaine, de Maupertuis, d’Orsigny, de Pedamour, le chevalier de Tavannes, le baron de Couppet, le sieur de Guercy et autres.

L’armée était composée de onze régiments.

Infanterie :

Le régiment de Conti.

Le régiment d’Enghien.

Le régiment de Picardie.

Le régiment de Noailles.

Le régiment de Navarre.

Le régiment de Tonneins.

Le régiment de Nanteuil.

Cavalerie :

Le régiment de cavalerie hongroise du grand maître de l’artillerie (La Meilleraye).

Le régiment de cavalerie française du colonel Gassion.

Le régiment de cavalerie allemande du colonel Ranzau.

Un régiment de cavalerie suédoise.

Toute cette armée était partie en deux corps marchant en France-Comté. Le premier commandé par monsieur le prince de Condé. Le second par le grand maître de l’artillerie ; et en cette armée était monsieur de Machault conseiller d’état, comme intendant de la justice. »

(Source : Mercure François)

Les 7 régiments d’infanterie sont théoriquement à 20 compagnies de 100-120 hommes pour les régiments entretenus mais l’effectif standard est plutôt de 1000 à 1200 hommes par régiment, souvent moins.

Les régiments de cavalerie sont de 400-500 chevaux.